Par les liens sacrés... ~ Wandreas & Sirius

Sofian Swift avait été étrangement calme ces derniers temps. Même s’ils avaient effectivement fait courir le bruit de leur mariage – qui en réalité ne serait rien d’autre qu’une répétition – c’était tout de même étonnant de sa part.
Inquiétant.

Sirius a le cœur battant. Ce n’est qu’une répétition. C’est ce qu’il se dit devant le miroir avec sa mère dans son dos qui pose délicatement une main sur son épaule. Il lui adresse un sourire pincé et cette dernière le prend simplement dans ses bras. « En voyant ton état, dans lequel vas-tu être le jour de votre réel mariage ? » Quelques couleurs ornent les joues de l’enfant Swift. Pourtant elle sait très bien que ce n’est pas uniquement cette perspective doucereuse qui le met dans tous ses états. Il y a l’ombre du paternel. Il a cette confrontation inéluctable qui va avoir lieu et laissera des traces indélébiles sur leurs âmes.

Dans son dos, à la ceinture de son pantalon, un automatique.

Il avait opté pour un costume élégant, blanc pour le pantalon, chemise, veste et chaussures et argenté pour le gilet et la cravate.  Dessous, quelques folies réservées à un essai de nuit de noces. Il fallait bien aussi y trouver son compte non ?
Réajustant les manches de son ensemble, Sirius inspire tout doucement. Ils étaient à l’hôtel, non loin du lieu qu’ils avaient choisi pour leur petite répétition. Il avait, ce matin, quitté la chambre qu’il avait avec Wandreas pour rejoindre celle de sa mère et pouvoir s’apprêter avec son aide. JP était déjà en lieu et place de l’action, dans le costume adéquat.

Bien sûr, Denny et François, comme toute la famille de son aimé, au moins ceux dans la confidence, avaient été invité. JP avait annoncé à Sirius qu’il avait appelé quelques-unes de ses connaissances pour veiller à la sécurité de ceux qui ne sauraient pas se battre. Plusieurs jeunes hommes de l’âge de Thomas, le fiancé d’Elizabeth la cuisinière, qui avait tenu à être de la partie, et un se rapprochant de l’âge de Sirius.
D’ailleurs, aujourd’hui même serait un jour tout particulier pour le membre de la mafia de Red Hawk. Il prenait un an de plus. S’il y avait quelque chose qu’il n’avait pas encore osé échanger réellement avec Wandreas, c’était le jour exact de son anniversaire. Ce n’était pas une date qu’il redoutait, mais il n’avait pas à cœur de fêter ‘‘un an de plus’’. En revanche, aujourd’hui lui donnerait une bonne raison, dans les années à venir, de le fêter.

13 juillet 2024.

L’heure arrive et même s’il a l’envie de lui garder la surprise de sa tenue, il a aussi la folle envie de courir le retrouver et l’embrasser, de se jeter simplement dans ses bras et profiter d’une tendre étreinte qui balayera toute son angoisse, comme toujours. « Je veux le rendre heureux. » Avant que sa mère n’ouvre la porte, elle se tourne et observe son fils. « Je ne veux plus avoir à me battre autant et risquer sa vie et celles de ceux que j’aime. Je ne veux plus l’inquiéter en étant constamment en danger, même si je le resterais... vue ma place. » « Sirius. Tu ne peux pas savoir à quel point je suis une maman comblée de te voir heureux. Tu as l’air vraiment libéré. » « Et je le serais d’autant plus une fois père hors d’état de nuire. » Il opine et les voilà en route vers le lieu de cérémonie.

Ils avaient convenu d’entrer ensemble aux bras de leurs témoins. C’est tout naturellement que la silhouette de François se dessine dans son champ de vision. Le moment où ils seront le plus vulnérable sera à l’hôtel devant JP. Sa main tremble et est recouverte par celle de François. De son ami. « Tu es magnifique, Sirius. Nul doute que tu vas mettre des étoiles dans les yeux de Wandreas. » « Merci… » murmure le concerné avant qu’ils n’entrent.

C’est dur de se retenir d’aller lui sauter au cou. Il est éblouissant. Juste parfait. Leurs amis aussi sont magnifiques dans leurs beaux vêtements. Cette scène est magique dans les yeux d’un homme qui ne vivait que dans l’ombre.
Sirius peine à retenir sa main de se lever devant ses lèvres, comme il garde avec peine son émotion au fond de lui, trahit par le tremblement léger de ses doigts sur le bras de François et la brillance violente de ses yeux. Dans son autre main, une canne, assortie, de marbre blanc et d’argent pour les finitions. « Tu es… à couper le souffle… » Subjugué par la beauté lumineuse de sa moitié, le hors la loi avance au rythme de la musique sous des regards attendris mais non moins attentifs.

Un peu plus à l’écart, des ombres bougent.
Un peu plus à l’écart, une ombre surveille les mouvements, prête à intervenir pour sauver la vie de celui qu’il voit comme un frère, de celui dont JP lui a donné la charge. C’était son mot d’ordre, veiller sur Sirius. Le second mot d’ordre était de veiller sur le futur mari, Wandreas Corelli.

Les enfants n'avaient pas été tenus au-dehors de la cérémonie, car dans la famille de Wandreas, les parents n'aimaient pas leur mentir. Ils étaient forcés de leur cacher beaucoup de choses sur le passé de la famille, mais ils prenaient soin de leur expliquer pourquoi ils laissaient ces zones d'ombres et ce que l'on risquait en y mettant les pieds. Mais il était impossible de les amener sur une île qui allait devenir un champ de bataille tôt ou tard. Ils savaient donc ce que faisaient les grands aujourd'hui, ils avaient présenté leurs félicitations, mais ils étaient restés à RedHawk ; pas question qu'ils deviennent des cibles ou pire, des otages.

Plus la date fatidique se rapprochait, et moins Wandreas jouait les papillons de boutique en boutique pour arranger l'esthétique de ce beau moment, plus il prenait le danger au sérieux. Mais étrangement, cela ne le rendait pas nerveux. Au contraire. Plus le temps avançait et plus il se sentait serein. Il n'avait pourtant rien d'un gladiateur, mais il était en paix avec l'idée de descendre dans l'arène en même temps qu'il monterait vers l'autel. Ces deux réalités étaient indissociables, et au bout de cette route, quels qu'en soient les obstacles, il y avait sa vie avec l'homme de ses rêves. Ils ne pouvaient pas perdre : ils étaient destinés à cet instant.

Ses parents lui trouvaient un côté un peu mystique ces derniers temps, et se demandaient, par expérience personnelle, si ce n'était pas une sorte de réaction dépressive à la violence dont ils avaient déjà fait l'objet. Il les rassurait comme il pouvait, mais de façon générale il s'efforçait de les laisser en-dehors des préparatifs les plus belliqueux. Ils n'avaient plus l'âge d'être mêlés intensément à cette guerre de gangs et ils les avaient déjà tant aidés ! Et puis, ils avaient sacrifié énormément de choses en leur temps pour trouver cette même paix, ce même havre d'amour à partager. Wandreas ne voulait pas qu'ils prennent davantage de risques.

Il se reposait étrangement plus sur Denny, qui s'appliquait à se composer une tenue rouge flamboyante pour son rôle de témoin avec le sérieux d'un jeune cardinal qui endosse ses premiers vêtements de fonction. Ce dernier n'était pas plus guerrier que lui, mais Wandreas ressentait un certain écho en le voyant s'épanouir dans le rôle terrible qui était tout à coup devenu le sien : le directeur d'un domaine mystérieux, sous lequel reposaient des dizaines de squelettes. Un jour, on les découvrirait et il deviendrait l'une des légendes terrifiantes de la campagne américaine. Les touristes viendraient passer la nuit dans ce qui resterait alors du manoir pour avoir une expérience hors de ce monde. Et cette nouvelle identité allait à Denny comme un gant. Ni lui ni son amant ne s'en seraient doutés lors de leur rencontre, lorsqu'ils étaient encore deux paisibles citoyens, restaurateur et archiviste sans histoires.

C'était l'impression générale qu'il avait : en touchant à leurs vies, Sirius l'Etoile les avait lancés sur la piste éternelle du rêve américain, et les avait faits entrer dans la légende. Il avait réveillé les héros qui sommeillaient entre eux. C'était ce qu'il avait envie de lui déclarer lors de son discours de mariage, et lorsqu'il s'avança pour le début de la cérémonie, il se félicita d'avoir inscrit tout ce qui lui emplissait le coeur. Le papier dans sa poche lui serait nécessaire. Sirius lui coupait le souffle et lui faisait tout oublier. Sa famille, en retrait, était presque oubliée elle aussi, alors qu'elle commençait à les photographier sous tous les angles pour immortaliser ce moment ; et quant à leurs adversaires, ils auraient aussi bien pu n'être qu'un stupide cauchemar, dissipé par les brumes du matin.

Wandreas n'était pas discret. Il n'avait jamais été discret, mais aujourd'hui, il scintillait presque. Il ne faisait pas son âge, et on n'aurait jamais cru qu'il avait déjà été marié. C'était la première fois qu'il se mariait par amour et le choc de cette découverte se lisait sur son visage. Il resta incapable de dire un mot, et prit la main de Sirius pour y déposer un baiser. Ce dernier était beau avec sa canne, elle lui conférait une sorte d'autorité qui rehaussait encore son charisme et pourtant, une certaine vulnérabilité se lisait dans son regard, qui donnait envie à Wandreas de le protéger de son corps. Dans ces moments, il était heureux de sa carrure et de son style tapageur qui pouvaient littéralement jouer ce rôle de bouclier dans une situation de crise. Il fit signe à son compagnon d'entrer le premier avec François, pour être maître du rythme de leur marche. Son regard ne le quitta qu'un instant, pour balayer l'espace extérieur avant de le suivre, et il sentit la main de Denny sur son bras presser doucement sa manche dans un signe de soutien. Non, personne ne les suivait pour le moment, et on avait monté la garde autour du bâtiment depuis qu'il avait été sélectionné, au cas où des explosifs soient posés sur place. Mais il imaginait plutôt une attaque rangée comme au domaine de Denny et François. Quelque chose d'imprudent et arrogant comme l'ego de leur ennemi principal.

Le grand soleil brillait sur les dais de fleurs qui menaient à la mer, où des tables couvertes de bougies parfumées et d'un buffet royal s'apprêtaient à recevoir la réception euphorique qui devait suivre l'échange de leurs voeux. Tout était prêt, tout était parfait. Peut-être que tout irait bien. Wandreas prit une grande inspiration et entra dans le hall. Aussitôt, la fraîcheur projetée par les murs épais et la lumière filtrée par le vitrail voisin apaisèrent définitivement son esprit. Il marcha à la suite de Sirius en s'efforçant de ne pas le déshabiller du regard trop ostensiblement. Il flottait dans un rêve. Tout lui semblait facile. Et ses invités surprise n'étaient pas encore arrivés... Il eut un petit sourire en y pensant. Quelque chose lui disait que cela ferait plaisir à Sirius de les voir arriver. Eux, c'étaient de jeunes hommes en pleine forme physique, ils sauraient se défendre au besoin ou au moins se tenir en sécurité. Avec les costumes sur-mesure qu'il leur avait offerts venaient des gilets pare-balles, et il était sûr que l'un d'eux au moins bombait le torse avec fierté sous cet article qui lui donnait l'impression d'être un grand gangster.

A travers une sorte de nuage doré, une voix débuta : "Nous sommes réunis aujourd'hui pour célébrer l'union de deux vies..." et Wandreas se sentit basculer à travers toutes sortes d'émotions violentes et contradictoires.
D'abord, une reconnaissance indistincte. Il n'avait jamais été croyant mais quelque chose l'avait maintenu en vie jusqu'à cet instant.
Puis il songea qu'il s'était maintenu en vie tout seul. Même ses parents n'avaient pas été là pour lui la plupart du temps, personne n'avait veillé sur lui, il s'était débrouillé. Une sorte de colère lui monta à la gorge. Personne ne l'avait jamais compris ou apprécié comme le faisait Sirius, il n'y avait qu'une seule personne comme lui dans le monde entier et il ne pourrait jamais survivre sans lui à présent. A la colère succéda une étrange angoisse, une impression de détresse à l'idée de le perdre.
Puis tout cela fit place à la fierté. Il avait survécu et Sirius aussi, et il fallait qu'ils se fassent confiance. Ils étaient ensemble maintenant. Plus rien ne les arrêterait.

Les larmes lui montèrent aux yeux tout à coup. Le dos droit comme s'il portait un corset - c'était peut-être le cas - et le regard pragmatique, Denny lui tendit un mouchoir pour s'essuyer les joues. Mais Wandreas n'était pas gêné. Ses émotions étaient sincères, et elles appartenaient toutes à son amant. Ils n'en étaient plus à ça près.

Il le ressent dans tout son corps, ce bonheur, et ça le rend aussi fragile qu’il l’a été sur le pont du bateau après leurs chansons et les danses. Sirius est tout aussi ému sinon plus que ce jour-là. Oh oui, bien plus que ce jour. Sa mère l’encourage, de sourires, de regards qu’il ne peut pas voir parce qu’il n’a d’yeux que pour Wandreas.
S’il manque d’air le long du chemin, sa respiration est tranquille. Si son cœur est serré dans sa poitrine ce n’est pas l’appréhension du futur combat qui aura forcément lieu, non, c’est parce qu’il a l’impression de rêver et de toucher du doigt encore plus le bonheur, chose éphémère et ô combien délicate.

L’allure de son fiancé, ses yeux, qu’il a toujours un peu trop aimé, et plus que tout sa présence à ses côtés, le laisse voyager sur ce que la vie a de plus beau à offrir.

Ça aurait pu être quelque chose de fictif.
Ça allait être pourtant bien réel.

François est gratifié d’un sourire lorsqu’il se retrouve face à l’homme. Sirius reconnaîtrait JP entre mille, ce n’était pas lui, bien que ça aurait dû être le cas. Etonné, il posera ses questions plus tard – et apprendra alors que cet homme n’était rien d’autre qu’un vieil ami du majordome et qu’il a les droits vis-à-vis de la loi d’officier et faire de ce mariage un mariage valide. Un petit coup de pouce positif qui fera certainement plaisir aux deux hommes.

Les mots, la réaction de Wandreas et le hors la loi fait un petit pas pour venir saisir l’une de ses mains dans celle qu’il a de libre. Sirius de son côté tente de contenir ses sentiments, au moins un peu, mais son regard brille tellement qu’il a l’impression de regarder son aimé au travers d’une étendue d’eau. Le monde peut bien arrêter de tourner, au moins en cet instant, il n’y avait rien de plus important que lui.

Il y a les mots, d’ailleurs, de l’homme, pas tout jeune, pour leur faire promettre de s’aimer pour le meilleur et pour le pire. Il y a d’autres mots de cet homme, qui fait appel à leurs témoins, pour signer un document, tous les quatre, qui validera officiellement cette union et qui offre aussi ce que Sirius avait à cœur à ce moment-là : porter le nom de famille de Wandreas. Et il l’a bien vue, lorsque la plume est entre ses doigts, ce détail, tout comme il reconnait l’authenticité du papier qu’il s’apprête à signer. Sa main en tremble d’autant plus. Ce n’était rien et tellement tout à la fois. On avait fait ça dans son dos, sans qu’il ne remarque rien.

L’encre colore le papier et met en lumière la signature de Sirius. Les témoins signeront après les mariés, et puis, enfin, ils pourront se passer la bague au doigt. L’émotion lui fait perdre les mots. Alors il regarde leur assemblée, se réarme de courage, sur un petit sourire timide. « J’avais… préparé un discours à faire pâlir la terre entière… mais en fait, ça ne servirait à rien. Tu es… l’homme que j’aime, sincèrement et surtout… celui qui m’a ouvert les yeux sur la vie elle-même. Je ne désire pas grand-chose, sinon pouvoir te rendre heureux jour après jour et te garder loin du danger, du besoin et de la maladie. Je… tu possèdes bien plus que mon cœur et… c’est rempli de joie et avec une immense fierté que… qu’en t’offrant cette alliance, je fais de toi mon mari et que je jure devant témoins de te rester fidèle, envers et contre tout. » Un souffle à la fin, comme s’il avait pu ne pas respirer depuis le début de sa prise de parole. Ses joues sont rouges et ses mains tremblent alors qu’il peut lui passer cet anneau, celui qui hurle au monde qu’ils sont mariés, qu’ils sont unis, que rien ne pourra jamais plus les séparer.

La porte s’ouvre lentement, sans fracas toutefois. Ce sont deux silhouettes qui s’avancent. La première, reconnaissable, est JP, la seconde, plus jeune, à ses côtés, inconnue pour Sirius est Orion. Les deux hommes font un petit signe de tête, ils ont le temps, mais le danger se rapproche. L’ombre du père a été vue et le mot est passé discrètement aux uns et aux autres.

JP s’avancera jusqu’aux deux hommes, une fois leurs alliances à tous les deux au doigt de leur moitié et le baiser symbolique échangé. « Sirius, tu es comme mon fils, et je suis heureux de te voir au bras d’un gendre aussi merveilleux. Wandreas, tu fais désormais partie intégrante de la famille. Je suis heureux de te compter parmi nous. Aussi, je suis désolé de couper si vite court à votre moment bien à vous. La nuit de noce… on va faire en sorte de vous l’offrir. Mais la seconde fête va commencer. Todd, je te remercie, mais j’aimerais que tu prennes ces documents avec toi pour terminer ton travail et rester en sécurité. Je me permets aussi de vous présenter Orion… Je vous confierais les détails quand tout sera calme dehors mais vous pouvez lui faire autant confiance qu’à moi. Ils n’ont pas l’air nombreux. La seule chose de sûr qu’on a pu observer était la présence de Sofian » le vieil homme les regarde avec beaucoup de douceur. Il est plus que sincèrement heureux pour eux.

« C’est toi ? » « Oui Sirius. Qui d’autre voulez-vous que ça soit ? C’est mon petit cadeau d’anniversaire. » Le regard du mafieux se détourne et s’il tente de le réprimer, ses lèvres finissent par s’arquer en un sourire beaucoup trop expressif et touché. « Oh, vue ta tête, je présume qu’il n’avait jamais entendu la date de ton anniversaire n’est-ce pas ? » « Je ne pouvais pas rêver mieux comme cadeau. »

Se rapprochant, un petit groupe qui paraît inoffensif au premier coup d’œil bien que Sofian en soit à la tête, marche la tête haute de manière bien visible. Ils avancent jusqu’au lieu de cérémonie, surveillés par plusieurs hommes qui finissent par cracher l’information dans l’oreillette de JP. « François, Denny, Thomas, Orion, puis-je compter sur vous pour protéger ces gens entre ces murs ? Les autres, puis-je demander votre concours à l’extérieur ? Il va de soit… Sirius, qu’avec Wandreas vous restez tous les deux ici. Venus, je vous promets de vous revenir vivant. » Rien n’était entre ses mains, sinon son amour envers le restaurateur. Ça avait un côté effrayant, ça et la peur de perdre cet homme qui avait veillé sur lui avec bienveillance des années durant.

La veille encore, les parents de Wandreas avaient contacté le majordome pour l'avertir de l'assistance qu'ils pouvaient lui apporter sur le terrain. Ils allaient fournir une escorte de deux combattants solides à chacun des gamins que Wandreas voulait inviter. Sur place, si les choses tournaient mal, ce petit groupe qu'ils surnommaient les Mousquetaires pourraient intervenir à leurs côtés, et créer un effet de surprise. Ils étaient déguisés en invités inoffensifs, et n'étaient certainement pas connus des protagonistes. C'étaient d'authentiques pirates qui avaient été capturés dans les Bermudes, s'étaient évadés de justesse d'une prison de Panama, et qui étaient venus se cacher à RedHawk pour se faire oublier. Ils avaient été ravis d'accepter ce petit contrat et manifestaient toute leur reconnaissance aux parents de Wandreas.

Fields et Danisco, les plus respectables en apparence, avaient cueilli Xiyang à la sortie de sa maison familiale, "pour l'aider à porter ses valises", Museri et Dorn avaient pris Narcis au Brise-Glace et ils les avaient déplacés sur des trajets séparés, en s'assurant de ne pas être suivis. En arrivant sur l'île seulement, ils les avaient réunis et venaient de les introduire dans la salle pour assister aux voeux. Narcis avait un peu râlé en chemin, naturellement. Mais maintenant, en voyant Xiyang en grande tenue d'apparat à ses côtés et en écoutant les discours de ces aînés qui étaient des sortes de mentors pour eux, il était ému. Il n'allait sûrement pas l'admettre, et son visage n'exprimait rien d'autre qu'une solennité absolue.

Pour les parents de Wandreas, c'était un petit luxe, une sorte d'exercice de style qui n'était pas vraiment nécessaire ; mais ils s'en servaient pour préparer l'avenir. C'était un entraînement pour ces nouveaux gardes qu'ils comptaient désormais employer pour la sécurité de leur petite famille. Ils avaient accepté le retour de la violence dans leur univers, mais ils comptaient élever autant de remparts que nécessaire. Ils n'avaient pas supposé que la cérémonie serait plus réelle que prévu. Et les voilà tous dans les rangs, assistant aux discours des organisateurs et des deux fiancés, et soudain tout devient terriblement réel.

Ils le ressentent en même temps que leur fils : c'est fait, il est lié jusqu'à la fin des temps. Ce ne sera certainement pas un mariage classique, mais ce sera un beau mariage. Ils en ont connu un pareil il y a tant d'années et ils se regardent en se blotissant l'un contre l'autre, les yeux brillants. Ils sont fiers de lui. Tout ce qu'il est aujourd'hui, cette personne presque royale qui rayonne en inscrivant son nom sur la page, il l'a construit seul sans leur aide. C'est un soulagement à leurs âges de se dire qu'il tiendra debout quoi qu'il arrive, même s'ils ne sont plus là.

En recevant l'anneau, Wandreas prend la parole à son tour. Il jure cette fidélité qui est bien plus profonde entre eux que s'ils parlaient simplement de ne coucher avec personne... Il jure d'être là chaque fois que Sirius aura besoin de lui, d'être son homme et d'honorer cette vérité incroyable, que Sirius lui appartient corps et âme. Il est encore incrédule et pourtant il le sait, il l'a su dès le premier regard : cet homme incroyable est à lui. C'est un sens que sa vie a découvert et elle en restera à jamais transformée. Il ne détache plus ses yeux de Sirius, et tâtonne pour lui mettre la bague au doigt, avec un petit rire en sentant que ses mains tremblent et qu'il a failli lâcher le précieux bijou. Leurs coeurs battent à l'unisson, comme reliés par ces petits symboles de métal précieux. Il s'étonne que l'assistance ne puisse pas les entendre battre la chamade, et s'en alarmer.

Son regard se tourne vers le public et il décoche son grand sourire radieux, celui auquel ils sont tous habitués. Denny fléchit brièvement et semble sur le point de se jeter dans ses bras. Mais c'est alors que l'annonce tombe comme un couperet : l'armée ennemie est arrivée sur l'île.

"Ils veulent peut-être nous présenter leurs félicitations ?" suggère Wandreas d'un ton insouciant. "C'est dommage, nous n'avons pas prévu plus de places dans la salle." Il pense sérieusement ce qu'il dit. Sofian arrive trop tard, même s'il comptait soudain se comporter comme un père digne de ce nom. Il a fait trop de mal, il leur a causé de graves blessures physiques et émotionnelles qui laisseront leurs marques, et il a mis leurs vies en danger. Il a gâché les merveilleux moments de leur amour naissant. Il ne leur a jamais témoigné le moindre respect. Trop tard pour s'avancer dans leur direction, il ne sera reçu qu'avec un mur de feu.

Les parents de Wandreas prennent place sur des fauteuils et invitent Venus à les rejoindre ; les Mousquetaires sortent à pas de loup se joindre aux forces extérieures, et c'est comme s'ils n'avaient jamais été là, des ombres qui se fondent dans le décor. Sur le seuil, Narcis hésite. Xiyang va sûrement rester avec la famille, mais lui, il a bien envie d'aller se battre. Il jette un coup d'oeil interrogateur à son compagnon. Wandreas a dévisagé le dénommé Orion des pieds à la tête : c'est l'inconnu dans cette salle, et il doit bien admettre qu'il se sent très curieux. Peut-on vraiment lui faire confiance ? Sirius a l'air parfaitement tranquille. Eh bien...

"Orion, c'est ça ?" La similitude entre les deux prénoms le frappe soudainement. Il se garde de tirer des conclusions. "Puisque tout le monde a filé, puis-je vous demander de nous photographier ? Tant que nos vêtements sont immaculés... Qui sait ce qui pourrait arriver." Et il ressent l'envie de faire le show, d'affirmer qu'il n'a pas peur et qu'il sera l'ultime protection face aux ennemis de Sirius, si tout le reste doit tomber. Il le soulève doucement dans ses bras et lui donne un baiser, un peu pour rire, un peu parce qu'il aime s'amuser avec ces codes du mariage traditionnel.

Du mouvement tout autour de lui et il ne contrôlait rien, vraiment rien. JP avait tout prévu à son insu, jusqu’à ce moment particulier et ce contrat de mariage authentique. François observe, sur le qui-vive et se rapproche doucement de Denny après ces effusions de douceur et de vœux. Qu’ils sont beaux. Une pensée générale de l’assistance proche. Venus est émue, bienheureuse aussi de voir la silhouette de JP, son assurance et son calme. Il ne l’avait encore jamais perdu et elle espérait secrètement qu’il soit capable d’agir avec toujours autant de discernement même lorsque les enfants seront réellement en danger. Si ça devait arriver.

Xiyang n’avait pas trop posé de question, avait assuré à ses mères qu’il allait juste à une grande fête de mariage de ces hommes qu’il appréciait, en compagnie de son petit ami qu’il rejoindrait. La suite le rend un peu fébrile. Des hommes qui veulent s’en prendre à Wandreas et Sirius ? Pourquoi ? Il ne comprend pas, et fort heureusement, mais il n’est pas de nature combative et alors qu’il vient poser ses yeux sur Narcis, il opine. Qu’il soit libre de faire ce qu’il veut, du moment qu’il lui revient en vie. C’était là son seul souhait.

Venus se rapproche des parents de Wandreas avec plaisir, inquiète malgré tout pour son fils et son gendre, pourtant elle semble encore pimpante.

Quant aux mariés, oui, des photos. Orion observe le duo et son regard laisse à penser qu’il connait Sirius depuis bien des années maintenant alors que l’inverse n’est absolument pas vrai. « Oui, avec grand plaisir. JP… est mon père adoptif en fait. A vous au moins je peux le dire. » Il semble détendu et attrape son téléphone avant de réfléchir une seconde. « Prêtez-moi les vôtres plutôt, comme ça, vous en aurez bien à vous. » Et devant l’action qu’entreprend Wandreas, il les photographie. Ils sont si complices et ça lui fait tellement plaisir à lui aussi.

Sirius prend la nouvelle comme il prendrait n’importe quelle nouvelle sur le champ de bataille. Avec détachement. Mais ça ne dure pas et il lâche même un rire à l’action de son mari. « Ça suffit grand fou que tu es. C’est bon j’ai compris, je leur fais confiance et on reste en sécurité ici tous ensemble en espérant qu’ils arrivent à régler le souci dehors discrètement. On ne va pas gâcher cette fête. C’est la nôtre. » Se serrant un peu plus contre lui, le hors la loi lui murmure au creux de l’oreille. « Ça me fait mal au cœur, et pourtant c’est très agréable comme sensation. J’ai envie que ça dure toute notre vie. »

Soudain il songe, à The Hive, à ses supérieurs, à la réputation à ceux qu’il doit diriger. Ha ça va parler, peut-être pas dans le bon sens. Si encore ses hommes il saurait les recadrer, comment s’expliquer pleinement devant son patron ? Si Miller était plutôt humain de ce côté-là, qu’en était-il réellement de Viggo ? « Parfois… j’aimerais disparaître légalement pour vivre une vie. » Ça lui prend depuis quelque temps de rêver à une vie normale, même s’il aime diriger des hommes et des transactions tout comme toujours tout faire pour passer entre les filets de la loi et de la police.

Un peu plus loin, des bruits de tirs étouffés qui semblent se rapprocher. C’est Thomas qui se déplace et va pour observer discrètement par-delà la porte. Quelques ombres connues passent devant ses yeux. Un silence s’installe lentement, brisé par les respirations des uns et des autres. « Orion, puis-je vous confier ma fiancée ? » Elisabeth semble effrayée à l’idée de laisser partir son homme dehors mais le sourire de ce dernier la cloue sur place. La jeune femme tremble un peu et vient se servir de Xiyang en peluche vivante pour se détendre, ce qui ne semble pas déranger outre mesure ce dernier qui tente de la rassurer et ce faisant, s’occuper le corps et l’esprit sur autre chose que le danger auquel fait face Narcis.

Un lourd silence.
La porte qui s’ouvre en grand fracas et présente Sofian, seul, arme au poing.
« Sirius. »

Ce dernier le regarde comme s’il pouvait le tuer de ses yeux, mais ses mains contre Wandreas tremblent. Aussi mauvais soit-il, il reste son géniteur. « Toujours vous, le gigolo. » Crache l’homme.
Venus ne se manifeste pas, elle est censée être morte. Ça ne ferait que rajouter de l’huile sur le feu. « Que puis-je pour vous, père ? » Une voix qui se veut ferme. « Renonce à tout ceci et revient dans la ville qui t’appartient. New-York est plus à même de satisfaire tes ambitions, pas cette campagne et surtout pas cette chose. »

C’est Orion qui se place instinctivement entre l’intrus et les mariés. « Sauf votre respect, monsieur Swift. Ces hommes se sont mariés d’amour et vous n’êtes rien ni personne pour l’empêcher. Les seuls véritables hommes ici qui mérite que Sirius les appelle pères sont le paternel de son époux et JP, celui qui l’a soutenu chaque jour où vous ne faisiez que chercher à le détruire. Nous ne laisserons pas ça passer. » « Nous ? » Orion serre son bracelet à son poignet droit avant de le faire glisser. Il lèvera son bras face à Sofian, le seul qui pourra le voir, la marque de cette organisation. « Nous ne laisserons pas vos actions impunies. Maintenant partez, ils sont sous notre protection. » « Parce que tu crois vraiment qu’un groupe comme le vôtre peut me faire peur ? Joseph est un moins que rien… et oui, je sais qui il est, comme toi, je connais aussi ton véritable nom et ceux qui sont tes parents. Ne veux-tu pas savoir ? »

Orion penche la tête sur le côté, un sourire aux lèvres. « Ecoute le vieux schnock pas net. J’en ai marre de faire semblant d’être courtois. Vire tes fesses de là ou je te promets que tu auras une balle entre les deux yeux. T’es pas le bienvenu ici. Ici y’a que l’amour, la gentillesse et tous ces bons sentiments qui ont le droit d’être présent. Ta haine, ta jalousie, tes regrets… et cette envie de destruction tu peux te les garder. » Empathique, Orion ressentait tout cela. « Alors bouge, Sofian. Laisse mon demi-frère et son chéri ainsi que toute la famille en dehors de ça. » Il remet son bracelet. « Et puis faut être con pour s’en prendre au chef adjoint de la police de Red Hawk, tu penses pas ? » Au moins ainsi les présentations étaient faites auprès de Wandreas et Sirius. Ce dernier d’ailleurs paraît un peu fragile dans cet instant mais sa main gauche est venue récupérer son arme à sa ceinture. Grand bien lui en a pris.

Il est celui qui a réagi le plus vite.
La chaleur du canon de son arme après la détonation, son bras tendu et le silence de mort. La mort qui a attrapé Sofian Swift, ou presque. Il semble respirer encore, avec peine. La manche de la veste de costume d’Orion a été déchiré par le coup de feu et son bras aura une légère trace de brûlure, rien de bien grave. Il se penche sur le corps agonisant. « Joli tir petit frère. » Annonce-t-il en observant l’homme à terre rendre son dernier souffle. Dans sa main droite un automatique. « Beau réflexe surtout, tu l’as vue avant moi. » Il se relève lentement et observe Sirius qui semble perdu. « Wandreas, pouvez-vous le faire asseoir et boire ? » Alors qu’il s’approche pour récupérer son arme. « Il… il est… j’ai… » Sirius secoue son visage.
Il avait tué son père. Il l’avait fait pour protéger son prince charmant mais il ne réalisait pas. Il venait de tuer son père, ce qu’il redoutait, ce qu’il avait voulu tenter d’éviter mais on ne lui avait pas laissé le choix. Ce regard dans les yeux de son géniteur ne le tromperait pas. Il avait vraiment eu l’intention de tuer Wandreas. « Tu es vivant… » murmure-t-il contre Wandreas en respirant lentement le regard toujours un peu dans le vague. « Et… tu es mon mari… » ça lui tire un petit sourire et lui fait relever le nez vers lui, reprendre un peu pied dans le présent aussi. « Comment… vont-ils dehors ?… »
Orion laissera Sirius au bon soin des siens pendant qu’il attrapera le corps de Sofian pour le déplacer à l’extérieur.

Sans avoir aucune idée de ce qu'il fait, Narcis s'est jeté dans la bataille avec la joie malsaine de celui qui a des comptes à régler avec l'existence. Dorn, qui le trouve marrant, lui a donné une arme ; il a l'habitude de canarder des deux mains à la fois, mais une seule lui suffira très bien. Qu'est-ce qui pourrait mal se passer après tout ? Et les voilà qui disparaissent au-dehors, dans la lueur violente du soleil, où le regard de Wandreas ne peut pas les suivre. Il lui a semblé entendre Narcis crier quelque chose à Xiyang en s'éloignant, mais dans le brouhaha général, il n'est pas sûr d'avoir compris.

Tant qu'ils sont entre eux, tout semble presque normal : une partie des invités à l'intérieur du bâtiment, d'autres sortis fumer ou boire au buffet dehors. Quelqu'un prend des photos, les plus âgés se reposent et échangent des souvenirs. Mais il est impossible d'ignorer les tirs qui éclatent, et se rapprochent... Il ne sera peut-être pas possible d'arrêter les ennemis avant qu'ils atteignent Sirius. Et puis, il y en a un au moins qu'ils vont laisser passer. Sofian doit rencontrer son fils. C'est inévitable, la seule manière dont tout cela pourra finir.

Tout à coup, leur principal adversaire apparaît. Malgré lui, Wandreas a presque un mouvement pour se placer entre lui et les autres, mais Orion semble en contrôle. Avec un tel garde du corps, il n'y a rien à craindre, n'est-ce pas ? Un flic, rien que ça. Pour un peu, il ferait une blague mais la tension est à son comble, et il ne desserre pas les dents. Et puis, tout bascule.
Bien sûr que Sofian n'était pas simplement venu leur présenter ses compliments.

En un instant, Wandreas perçoit le léger mouvement de Sofian et il sait alors qu'il va tirer. Et il sait à qui le tir va être destiné. Eh bien, s'il faut cela, qu'il reçoive une balle pour que son amant ait enfin la rage d'en finir et de se libérer... Il ne saurait imaginer meilleure raison de verser son sang. Lui-même n'est pas armé, il n'est venu qu'avec son coeur et son beau costume, et son sourire de charme ; c'est un mariage et il est dans son rôle.

Le coup de feu éclate, mais c'est Sofian qui tombe. Etrangement, Wandreas ne ressent pas l'impression de libération à laquelle il s'était attendu. Il s'inquiète pour Sirius. Ce dernier est sous le choc. C'est le plus grand mal que son père pouvait lui faire, mais c'est aussi le dernier. Avec un petit signe de tête à Orion, il s'interpose auprès de Sirius pour l'aider à se concentrer sur autre chose que ce corps à leurs pieds. Heureusement, ce spectacle si inapproprié pour un mariage est rapidement effacé de leurs champs de vision.

"Tu nous as sauvés, mon amour", dit-il en caressant le visage de Sirius, pour capturer son regard. "Une vie paisible. C'est ce que tu nous as offert comme cadeau de mariage. Je te promets de t'aider en retour, quels que soient les obstacles que tu rencontres. Je te dois tout."

Après un léger baiser, il lui présenta un verre et l'aida à boire une gorgée. L'alcool qui se trouvait dehors aurait été plus approprié. Il en avait envie, pour sa part, et même besoin.

"Je reviens, mon ange." Il le laissa avec sa mère ; sans doute avaient-ils quelques mots à se dire en privé, en ce moment.

Wandreas avait prévu tout cela. C'était la meilleure manière d'en finir. Leur plan avait fonctionné. Mais il n'arrivait pas à ressentir le moindre triomphe. Et c'était leur mariage qui était ainsi teinté de haine, de mépris et de mort ; le plus beau jour de leurs vies. S'il ressentait quelque chose en ce moment, c'était de l'impuissance, de ne pas avoir pu préserver Sirius de cet acte terrible. Soudain, il étouffait. Il fit quelques pas sur le seuil, pour ramener les nouvelles à Sirius.

A côté du corps de Sofian était allongé un autre corps, celui de Dorn. Un grand sourire hilare barrait son visage ensanglanté, et ses yeux clos semblaient contempler, dans un autre monde, l'euphorie d'une aventure inconnue. Sa main serrée sur son arme ne semblait pas disposée à la lâcher. La mort n'était qu'un accident de parcours. Il en faudrait davantage pour l'abattre. L'odeur du sang était partout, mêlée à celle qui arrivait du dais placé auprès de la plage, celle des bougies rosées et des pétales répandus. Une partie du dais s'était d'ailleurs effondrée sur les tables et avait pris feu, sous l'effet de quelques balles perdues qui avaient tranché les cables. Un ballon d'hélium s'envolait, détaché de son support, en direction de la mer.

Spoiler:

Sauvé, de quoi ? Ou de qui ? Il va lui falloir quelques instants pour remettre de l’ordre dans ses pensées. Sirius ne regrettera pas son choix, parce qu’il l’avait fait depuis longtemps maintenant à force de se réveiller aux côtés de Wandreas, parce qu’il l’avait fait le jour où son cœur a décidé de s’ouvrir et d’accueillir tous ces sentiments, toute cette vie.
Les caresses à son visage le ramènent pas à pas.
Il cille après le baiser, lentement et attrape le verre présenté, sa main contre la sienne, pour boire un peu. Sirius a tant de mots à lui dire mais aucun n’arrive à sortir de ses songes. Encore un peu de temps, c’était tout ce dont il aurait besoin. Mais pas seul.

Venus incline son visage, un petit sourire envers son nouveau gendre. L’extérieur se calme.
Le regard bleu suit la silhouette qui lui est vitale et reste fixe sur ce point avant qu’il ne se redresse. On ne l’arrêtera pas. Même, c’est Orion qui lui tend sa canne dans un échange de regard et une main sur l’épaule. Avant de s’avancer, non pas pour voir le carnage mais celui qu’il aime, Sirius inspire et redresse la tête. Une marche à trois temps. Une marche lente qu’il vit bien parce qu’il ne trouve que du positif dans ses yeux. Ses foutus yeux charmeurs.

Avant qu’il ne franchisse le seuil en sens inverse, le mafieux vient contre lui en entourant sa taille d’un bras. « Merci. » Souffle-t-il, le regard à l’horizon, serrant ses doigts contre lui. « J’ai besoin de toi, comme depuis le premier jour. Et quoi que tu en penses, tu m’aide déjà énormément. » Il fixe ce ballon qui s’envole, ces flammes que certains tentent d’endiguer.
Dans cette destruction, il trouve quelque chose de poétique et ose même « C’est ce qu’on pourrait appeler… faire table rase du passé, non ? » Pour enfin venir poser ses iris contre Wandreas. « Je ne regretterais pas. C’était la seule réponse possible. Le seul regret que je puisse avoir… c’est d’avoir attendu et hésité aussi longtemps avant d’y mettre un terme et d’avoir risqué et perdu autant de vie pour cet homme. »

Doucement, des silhouettes reviennent près d’eux, bras-dessus bras-dessous. En les observant, le hors la loi pivote tout doucement pour se retrouver face à l’homme de ses rêves, une main à plat contre son torse. « Ce mariage est presque parfait. J’espère que les boissons, le repas et surtout le dessert n’ont pas soufferts. » Il ne s’imagine pas qu’il y a des blessés plus sérieux.
Thomas et Narcis ne seront pas dans les silhouettes qui reviennent et qu’il connait.

C’est JP qui s’approche du couple. « Je suis content de vous voir en vie. » Annonce le majordome en observant un peu les dégâts directs de la zone qu’ils ont tenté de garder de tout cela au mieux. Lui-même ne sait pas pour le blessé, Narcis.
Sirius se blottit un peu plus contre son mari. Un besoin net de tendresse, une façon de s’assurer qu’il est bien là, bien vivant aussi. « JP… retourne auprès de maman… elle… semblait… fragile. » Comme lui quelques secondes plus tôt. JP obéira et avec un certain plaisir. Ses traits étaient sensiblement tirés, ce n’était plus de son âge mais il tiendrait bon.

Le cœur du chef de la drogue est fou dans sa poitrine et le calme n’est qu’apparent. S’il en a conscience, il sait qu’en tentant de tout gérer il ne s’effondrera pas et surtout, qu’il pourra profiter pleinement de la fête. « Je t’aime, Wandreas. » Cette main contre son torse remonte et cueille sa joue. Son sourire est sincère mais très fragile, comme son état d’esprit, mais pas pour les mauvaises raisons. « Je me sens… bêtement bien alors que nous avons des morts, une demi catastrophe, du sang, de la panique et je ne sais quel autre foutu bordel à gérer… Bon sang… » c’est contre ses lèvres frôlées qu’il poursuit. « Nous sommes mariés pour de bon. Quel merveilleux cadeau d’anniversaire. » Sa canne n’est pas lâchée, mais il vient, avec précaution, l’entourer de ses bras et l’embrasser pleinement.

Ce chaos lui va si bien.

Chaos qui s’accentue quand il entend son téléphone personnel sonner et qu’il voit la silhouette de Xiyang passer à côté d’eux en courant. Sans quitter les bras de son aimé il regarde le numéro et, dans une telle circonstance, sans connaître la personne décroche. « Thomas ? » Interloqué il écoute les quelques mots. « Comment ça Narcis est blessé ? Est-ce qu’on peut t’aider si on vient ? » Sirius opine et attrape la main de son amour pour l’entraîner en douceur à sa suite en raccrochant. « Il ne m’a pas dit ce qu’il a comme blessure mais, si nous pouvons gérer Xiyang, on l’aidera. Il a une formation de premier secours… Elisabeth me l’avait dit. » Sirius n'avait eu que de brèves informations et redoutait que ça soit une blessure grave, comme il savait que ça pouvait être bénin et juste impressionnant.

Sur place, Xiyang empêche tout le monde de s'approcher de Narcis, comme s'il avait peur qu'ils le blessent davantage. Pourquoi l'a-t-on blessé ? Est-ce qu'il va seulement vivre ? Qu'est-ce qu'il deviendra sans lui ? Est-ce que c'était le moment de lui dire à quel point il tient à lui ? Le cadre s'y prêterait presque. Mais il est juste incapable de faire quoi que ce soit de rationnel, comme s'il pouvait ne plus entendre ni voir le monde, juste cet homme, cet homme qu'il sait aimer.

Narcis rouvre les yeux, tout étonné de voir du sang marbrer sa peau si blanche. Il ne s'attendait pas à ça ! Il pensait qu'il allait faire un carnage. Mais il n'a même pas été capable de tirer sur ses ennemis. Tout au plus a-t-il fait office de diversion. Tout était si dingue autour de lui, si agité ! Et tout le monde semblait si professionnel, et lui... il n'était qu'un gamin. Pourtant, il n'a pas eu le réflexe de retourner se cacher. Il remet le flingue qui n'a canardé que le sol à leurs pieds entre les mains de Xiyang, de peur de causer une catastrophe. Maintenant que tout redevient calme peu à peu, Narcis ne sait plus où se mettre. Oh, et ce beau costume qu'il aurait voulu garder !

"Tiens... rends son arme à..." Il fait un geste vague, il a oublié le nom de celui qui s'est dessaisi de la moitié de son équipement pour l'armer, et qui l'a payé de sa vie. Un des camarades de Dorn vient reprendre le revolver sans préciser ce point : Narcis est toujours pâle, certes, mais en ce moment il n'a pas l'air capable d'entendre une autre nouvelle dramatique sans s'évanouir sur-le-champ.

Le revolver va rejoindre son maître, il sera enterré avec ses armes. Les trois survivants du petit groupe s'éloignent pour ouvrir des bouteilles. Un champagne de grand cru en l'honneur de leur camarade tombé : voilà comment il voudrait être salué. Et puis, ils ne connaissent personne ici... Denny caresse au passage l'épaule de Thomas qui s'occupe du blessé, et les rejoint pour leur proposer quelque chose : un véritable tombeau pour leur ami, qui ne pourrait être mis en terre dans un cimetière officiel sous sa vraie identité, mais qu'il n'a aucune envie de cacher sous les rosiers en hâte comme les autres. Un tombeau avec son nom de naissance et la mention de bienfaiteur du domaine.

Wandreas l'entend du coin de l'oreille. Il a toujours trouvé à la fois comique et touchante cette étrange générosité froide qui fait le côté aristocratique de Denny. Mais il n'a d'yeux que pour Sirius en ce moment. Ils ont forgé leur pacte dans le sang, depuis le début. Dans les premières minutes de leur rencontre, Sirius a fait feu sur un loup menaçant pour le mettre à l'abri. Et aujourd'hui...

"Ne marche pas trop, mon amour. Ne te fatigue pas. Tu me dois encore un slow... J'espère qu'ils n'ont pas détruit le poste à musique."

Non, ils n'ont rien détruit. Ils ont essayé, et ils ont échoué ! Wandreas retrouve une respiration normale, et il est le premier à s'en étonner. A-t-il basculé dans la folie ? ça devait arriver... Mais il ne s'en plaindrait pas. Cette bataille a donné à leur mariage un air de cérémonie barbare, elle l'a rendu plus solennel, mais elle ne l'a pas supplanté dans leurs esprits. Elle l'a simplement coloré. C'est étrange d'y penser en ces termes, et il se le reprocherait presque, mais il ne peut pas, car il sent que son amant à ses côtés est dans le même état d'esprit. Pour cette occasion terrible, leurs âmes si différentes semblent s'être accordées comme deux violons pour un récital à l'unisson. Oui, cela les a unis. Maintenant avec le recul, il comprend que les choses ne pouvaient survenir qu'ainsi, ils n'ont fait que répondre à l'appel de leur destin.

Leur champagne englouti, avec cet empressement irrespectueux des caricatures d'américains, eux qui ne le sont pourtant pas, les Mousquetaires reviennent avec des plateaux et commencent à en distribuer à tout le monde. Leurs sourires bien accrochés, la fraîcheur pétillante du breuvage, et la musique qu'ils ont lancée au passage, réveillent un sentiment... non pas de fête, mais de célébration. Puis ils prennent les ordres auprès de JP et commencent, tout aussi joyeusement, à mettre de l'ordre dans cette scène d'apocalypse.

Narcis se laisse examiner sans se débattre à présent. Il a pris la main de Xiyang et y a déposé un baiser. Il se moque bien de qui peut les voir. Eux, ils savent ce qu'ils sont l'un pour l'autre, ils savent pourquoi il a voulu se battre, même s'il n'en était pas très capable ; et ils ne l'oublieront jamais.

Oui, ça leur apprendra à se prendre pour leurs daddys :

Vraiment, en le voyant dans cet état, Xiyang est dévasté et démuni. Pourquoi avait-il fallu qu’il se fasse blesser ? Même s’il ne pouvait pas le retenir, et clairement ne le voulait pas, il ne méritait pas ça. Son cœur saigne, au moins autant que la jambe de son amant. « Tais-toi… je ne veux pas tenir ces choses. » Alors il est bienheureux quand un homme passe et récupère l’arme qui a été en contact quelques secondes, trop longues, avec ses mains. Ces mêmes mains qui viennent caresser ce visage aimé, beaucoup trop pâle. C’est avec grand peine qu’il laissera ce grand roux, Thomas, approcher de son petit ami.

Sirius lui, s’il aime ce monde qui les entoure et dont il fait maintenant pleinement parti, n’a pas la tête à s’enquérir plus que cela de l’état des uns et des autres finalement. « Oh, mais je n’ai pas oublié, et mon genou va très bien. Il supportera un slow, une valse… du moment que tu ne me demande pas de sauter partout. »

Oui.
Cet homme-là.

C’est un si grand sourire qui vient illuminer son visage, d’un coup, d’un seul. Il vient embrasser Wandreas, c’est bref et pourtant particulièrement intense dans un partage de sentiments, puis il refait face au monde, sans se détacher de lui. « Allons faire comme eux. C’est la meilleure façon d’honorer nos morts. » Continuer d’avancer, continuer de vivre. « Tu l’aurais apprécié tu sais, le premier homme à avoir ébranlé un peu mon cœur, mon ami. » Quand il y repense, ils s’étaient vraiment amusés ensemble.

JP, après avoir rassuré Venus, coordonne avec plaisir la petite troupe pour redonner tout son charme au lieu. A ses côtés, la mère de Sirius donne son avis, un peu trop souvent et vient même mettre la main à la pâte sans rechigner quant au sang ça et là. Elle donne même quelques astuces pour rattraper les tâches sur les costumes.

Elisabeth retrouve Thomas et vient de nouveau offrir un peu de soutien à Xiyang quand Narcis sombrera dans l’inconscient. Toutefois, le roux est plus que précis dans ses gestes pour s’occuper de cette blessure à la jambe. Il ne doit l’évanouissement du plus jeune que par la perte de sang. « Ne t’en fais pas, ton petit copain s’en remettra. Mais il va falloir le garder un peu au repos et bien le nourrir pour qu’il reprenne des forces et puisse reconstituer correctement son sang. Lise ma douce, peux-tu préparer un petit coin avec tout ce que tu peux trouver pour lui offrir un simili de lit ? On va le laisser dormir, je surveillerais son pouls de temps en temps et je vais t’apprendre à t’occuper de sa jambe et te dire ce qu'il devra prendre, viens là. » Les instructions sont données et si le danseur a les mains tremblantes, celles, bien plus grandes, de Thomas qui le guide, finissent par le calmer.

Orion reviendra auprès des mariés doucement en leur présentant un classeur. « Wandreas, Sirius, il y a beaucoup de choses que vous ignorez et que vous devez savoir à présent. Ca concerne JP et moi… » Thomas relève ses yeux et soupire. Il laissera Xiyang s’occuper de déplacer Narcis en douceur dans le petit cocon douillet qu’à concocter la cuisinière. « Et moi également, bien que tu l’ignorais, Orion. C’est une chose à ne pas mentionner, en principe. Mais, si j’aime follement Elisabeth, ce n’était pas le cas au premier abord. Nous avons une dette envers vous, Sirius, tous autant que nous sommes maintenant, même si vous l’ignorez. Et pour cela, nous serons toujours disposé à vous aider, peu importe la raison. » Orion souri, il s’en était douté. Cet homme était trop précis et propre sur lui. « Par contre, pas avant demain. Maintenant, il est temps de rendre hommage à nos amis et surtout de vous rendre grâce. Vous avez clairement mérité de ne plus vous soucier que de vous deux. En passant petit frère… canon ton mari. » Sur un clin d’œil amusé et une tape légère sur le bras avant de leur confier le classeur de cuir fermé par une sangle.

Le sourire de Sirius ne se dissipe pas alors que l’effervescence peut reprendre et que le carnage n’est presque plus qu’un vilain souvenir. « Je vais leur toucher quelques mots… tu… restes avec moi ? Je vais avoir besoin de courage pour ne pas arrêter en plein milieu et vouloir m’isoler avec toi seulement. »  

Ils avancent forcément un peu, pour se retrouver proche de leurs amis, de leurs familles. « Mes amis… » c’est fébrile d’abord. Mais après une petite toux, il reprend bien plus fort. « Mes amis ! » Pour capter leur attention. « Je ne saurais jamais assez vous remercier, pour tout. C’est un bien vague mot, mais il a vraiment de l’importance à mes yeux… à nos yeux. » Sa main serre celle de son aimé. « Nous avons, ces derniers mois, traversés pas mal de choses ensemble. Certains en garderont des traces à jamais, dans leur cœur ou sur leur corps, mais nous sommes là. Mais… vous êtes là. Alors, pour que nos morts puissent garder la tête haute et ne pas revenir nous hanter, que la fête commence sous le rouge non plus du sang mais de l’amour. Dans un futur proche… je ne vous cache pas que célébrer l’union de nos témoins, le renouvellement de vœux des parents de mon mari, le mariage de mon père de cœur et de ma mère, ou encore de ceux présents qui ne sont pas encore mariés, me comblerait de joie… et si pour ce moment hors du temps vous avez besoin d’un coup de pouce… on sera toujours là. »

Avec un ordinateur à ses côtés, même s’il est à l’écart et aux petits soins envers Narcis, Xiyang laisse la musique se faire entendre.

Tout contre sa moitié, Sirius lui murmure « Voilà, maintenant, j’ai envie de me trouver loin de toute cette foule juste avec toi… mais, j’ai aussi très envie de danser pour leur en mettre plein la vue alors… j’accepte de danser avec toi quand tu le souhaiteras, monsieur Corelli. » une petite brise soufflera quelques pétales de fleurs autour de l’assemblée, comme un signe de paix de la nature elle-même.

François s’était senti un peu trop en retrait, mais dans le fond ça lui allait. Il n’avait fait que jeter un regard froid à Sofian Swift lorsqu’il l’avait vue puis il ne lui avait plus rien accordé sinon l’oubli. La prévenance de Denny, ses attentions et François vient se faire possessif le temps de quelques secondes, d’un bras qui s’enroule sur cette taille gracile et rapproche les corps. Puis il déplace ses mains pour ne pas l’emprisonner, tout en lui laissant la sensation de celles-ci contre lui. Ils construiront ce beau tombeau, ça donnerait non seulement une reconnaissance appréciable pour l’homme mais en plus un certain mystère et des histoires à n’en plus finir pour les futurs curieux.

Ils seront écoutés, par François et Orion au moins. Mais les danseurs aussi qui s'arrêtent. « Une bien belle équipe. Rassurez-vous, je ne suis pas en service et vue le frangin que je me tape, il serait mal venu de ma part de coffrer des hommes pour des mots alors qu’ils lui ont sauvé la pince. Mais que je ne vous attrape pas. » S’amusa le chef adjoint de la police de Red Hawk.

A la remarque des futurs mariages : « Nous, on pourrait… mais il faudrait qu’on termine le manoir… avant. » François a la sensation des doigts et du baiser là où pourrait trôner une alliance. « Mais il va falloir que je soigne mon entrée en matière. Je suis tout de même rudement content de ne pas m’être trompé en cours de route. » Il fait un très fin sourire envers Denny puis se décale de quelques pas, une main dans une poche, avant de s’agenouiller. « Je ne pensais pas faire ça pendant la cérémonie, plutôt après à dire vrai. » Un raclement de gorge. Lui qui n’aime pas se donner en spectacle c’était raté. Le moment pourtant lui semblait parfait. Si parfait que Sirius en voyant leur position les observe, curieux, heureux. « Denny Folco, majestueux cygne rouge et propriétaire de ma vie… » il n’y a pas de rougeurs sur ses joues, mais son regard scintille pendant qu’il ouvre l’écrin de velours sur un anneau d’argent gravé. C’est un phénix qui est représenté dans un ouvrage délicat. « Voulez-vous m’épouser ? »

Un peu en retrait, Elisabeth sautille sur place, bien heureuse avant de se jeter au cou de son fiancé et l’entraîner à l’écart pour récupérer des bouteilles de champagne qu’ils secouent. Après la réponse, quelle qu’elle soit, ils les ouvriront et arroseront tout le monde en poussant un cri de joie.

Sirius se rapproche des trois hommes qui se sont présentés pour parler sans avoir à forcer sa voix. « Vous serez plus que bienvenue. Je ne manquerais pas tous les ans une pensée pour votre ami. » Alors qu’il s’adressait à Rory. « Mais je peux vous rassurer, pour mon père et sa mort, je n’ai pas peur de retoucher une arme. Je n’hésiterais jamais à tuer si la moindre personne cherche à s’en prendre à l’homme que j’aime. C’est aussi simple que ça. » Il savait pourtant qu’il en ferait quelques cauchemars, au moins les premières nuits.

Et pendant qu’ils parlaient si sérieusement, c’est Venus qui arrive près de ces hommes et attrape le bras de son fils. Les mots qu’elle lui glisse au creux de l’oreille font sourire et rire ce dernier. « Oui maman, bien sûr que oui tu as ma bénédiction pour faire ta vie avec un homme qui te rendra heureuse et prendra soin de toi. Surtout si cet homme s’appelle JP. » Venus embrasse le front de son fils et fait de même, en lui faisant signe de se baisser un peu, sur celui de son gendre avant d’annoncer haut et fort. « He bien les jeunes, si vous devez finir le manoir, nous serons les premiers à nous marier avec JP alors ! Par contre vous aurez intérêt à apprendre à danser d’ici là, c’est n’importe quoi ! On va vous montrer ! »

Aux côtés de Wandreas, le mafieux hausse les épaules tout en observant sa mère entre les bras de son majordome. Il leur trouve une certaine grâce. « Quand je la vois comme ça… je sais d’où je tiens ce besoin de rester au plus près de toi. » Sirius, en disant ces mots sourit avec une tendresse non feinte. « Viens, j’ai une surprise pour toi. Même si on peut l’observer d’ici et même si ça ne devait être à la base qu’une répétition… Tu me connais, je suis fou amoureux. »
Il laisse entendre à leurs convives qu’ils reviendront et qu’ils ne vont que vers la plage un peu plus loin, un peu plus à l’écart. « J’aime… le calme… je ne te cache pas que je risque de me réveiller cette nuit pas pour les bonnes raisons. Son regard est encore bien vif dans mon esprit. Du coup, je compte sur toi pour que la nuit qui s’annonce soit la plus courte possible. » Sur un clin d’œil entendu. Alors que le bruit de la fête se fait plus distant, ils arrivent devant l’étendue d’eau. D’une touche sur son téléphone pour donner le feu vert, Sirius invite son prince charmant à s’installer avec lui sur le sable.

Quelques minutes après.
« Le monde peut savoir à quel point je t’aime. » Des bruits d’avions et de la fumée de couleur. Ils font des acrobaties tout en dessinant un message éphémère : ‘Tu es l’homme de ma vie’

« Je voulais aussi un feu d’artifice, un lâché de pétale de roses… et tout un tas d’autres truc à prévoir en surprise mais ma mère m’a dit que ça ne servait à rien. Que même ça, c’était trop. Qu’on avait pas besoin de ça… je ne l’ai pas écouté… mais maintenant qu'ils sont en route, je sais qu'elle a raison. J’ai pas besoin de tout ça pour te dire et te montrer à quel point je t’aime. En revanche, c’est une façon un peu tape à l’œil de te remercier d’être entré dans ma vie. Quand on s’est vue avec ces loups… j’ai eu envie de profiter de toi, pas de la meilleure des manières. Quand tu m’as donné les clés de ta voiture ce jour-là, j’ai pourtant pas songé une seule seconde à t’abandonner. Je n’aurais jamais pu espérer trouver homme plus parfait. Et c’est justement parce que tu ne l’es pas que tu l’es à mes yeux. Pour nous, je n’abandonnerais jamais, peu importe les difficultés qui se présenteront encore face à nous. » Il tend son bras devant eux, laissant l’alliance luire sous les rayons du soleil. « Je t’appartiens, sincèrement, ce n’est pas un simple mot, j’y tiens. Même si mon emploi du temps est chaotique depuis un petit incident chez nous et qu’en plus de mes fonctions j’endosse la charge de chauffeur… qu’on a souvent peu de temps pour nous deux… je compte sur toi pour toujours m’obliger à te revenir, vite, souvent et pour continuer à profiter de la vie, comme maintenant, quand j’aurais des moments d’égarement… Je… désolé de parler autant mais… j’ai peur en fait. » Ca y’est, il arrive enfin à ce qu’il veut dire, ce qui lui pèse depuis un moment. « J’ai peur de devenir comme mon père un jour. Ca serait réellement horrible… pour toi… pour nous… pour notre entourage… je… » la tension se relâche mais il ne perd pas son sourire. « Je tenais à t’en faire part. Tu peux bien tout savoir de moi, sauf ce qui te mettrait directement en danger et aussi les trucs que tu n’aimes pas que je fais… forcément. » Il songeait principalement à la torture, aux tests de nouvelles substances. « Faudra qu’on planifie notre lune de miel comme il se doit… »

Au loin ils peuvent entendre la musique, un peu plus forte quoi que douce. « Dansons… là, juste toi et moi, les pieds dans l’eau. Ca nous rappellera à notre première danse dans la piscine. »

Wandreas n'est pas vexé par la remarque, il connaît ses dons sur la piste de danse : quand il est lancé, on ne l'arrête plus et il épuise même les plus jeunes. Mais en ce moment, sa danse consiste en câlins auprès de son amour, leurs moindres mouvements sont un slow, et leur conversation, leurs regards croisés, sont plus importants que tout. Dès qu'ils sont seuls, il reprend à voix basse :

"Je comprends. Que tu aies eu envie de t'emparer de moi à ta façon. C'est celle qu'on t'avait inculquée. Tu ne savais pas traduire en action ton envie d'être aimé. Même si tu m'avais fait prisonnier, avec le recul j'aurais compris."

Sa voix est sincère et assurée. Dans ce domaine, il n'a ni doutes ni questions. C'est le sujet auquel il pense le plus, depuis qu'ils sont ensemble. Et il est sûr de ne pouvoir se détourner de Sirius pour aucune raison. Aucune révélation, aucune nouvelle vérité. Il est fier de son amant, du chemin parcouru, mais avant toute chose il ressent un rush d'euphorie à sa simple fréquentation, et n'importe quelle trajectoire aboutirait toujours à ce sentiment intense d'être chez soi, et en même temps, d'arriver dans un merveilleux séjour de vacances. Il a besoin de plaisanter un peu, pour exercer les muscles de son visage et s'assurer que le choc de cette ultime bataille n'a pas brisé cette résistance-là ; mais même les boutades ont le son de la vérité.

"Je suis très flatté que tu m'aies remarqué, dans tous les cas. C'est peut-être un peu malsain de ma part, je ne sais pas. Je m'en fiche," avoue-t-il avec un rire. "C'est notre vie et je l'aime telle qu'elle est."

Une danse au bord de l'eau, c'est exactement ce qu'il leur faut pour se rapprocher de la nature, qui les a présentés et qui leur fait tant de bien. Il soutient Sirius dans ses bras, prêt à le porter au besoin. Ou l'eau le fera. Elle est si douce et chaude, ils n'ont qu'à s'éloigner un peu du rivage. Tant pis pour leurs jolis costumes, c'est une si belle vision, si poétique, et d'ailleurs il paraît que le costume de mariage ne doit plus être porté par la suite. La mer est l'inverse des larmes, elle les noie et les éteint, et elle nourrit l'éclosion des rêves.

"Tu aurais aimé, toi, que je sois un bandit moi aussi ? J'ai ça dans le sang, je l'ai été pendant une partie de ma vie. Tu aurais aimé que je te résiste un peu ? Me donner la chasse ? On aurait pu s'amuser avec ça." Qui sait, une idée de roleplay pour unes de leurs soirées accessoirisées... non, ils s'inquiéteraient vraiment s'ils se perdaient de vue, même s'ils se sont mis d'accord au préalable pour faire semblant. On ne sait jamais.

De loin, on les tient à l'oeil. Ils ne risquent pas d'être emportés par une lame de fond. C'est un peu étrange de se dire qu'ils ont cette armée autour d'eux, prête à les saisir s'ils font une bêtise. C'est un peu dommage aussi, Wandreas aime faire des folies sans filet, mais pour aujourd'hui il peut admettre la présence d'une sécurité. D'ailleurs, il lui suffit de garder son regard brillant fixé sur son compagnon pour oublier leur présence.

"La vérité, c'est que toutes nos vies auraient été parfaites. J'en suis convaincu. Hé, qu'est-ce qui serait parfait si tu devenais comme ton père ? C'est moi qui te ferais prisonnier et qui te ramènerais à la raison. Tu crois que je te laisserais tomber si facilement ?"

Avec un clin d'oeil, il s'incline vers les lèvres de Sirius et les embrasse doucement. Cependant, il est un peu gêné de se dire que ce dernier est si honnête, et ne rencontre en retour que des rires. Il peut bien avouer ce qu'il a dans le fond de son âme lui aussi, les fantômes qui se cachent sous le lit les rares nuits où il ne trouve pas le sommeil. C'est difficile à formuler à voix haute, mais ça ira mieux quand ce sera fait. Ils peuvent s'appuyer l'un sur l'autre pour résister au courant... qui s'est fait douce berceuse après la tempête. Il n'y a rien à craindre.

"Moi, j'ai peur de perdre la raison en vieillissant et de ne plus te reconnaître. Mais je sais que si ça arrive, tu te battras pour me ramener sur Terre. Et tu peux compter sur moi pour faire la même chose."

C'est vrai, ça va mieux en le disant. Rien ne semble si terrible tant qu'on a quelqu'un à ses côtés, qui est prêt à se battre. C'est ce que Sirius lui a montré face aux loups et ça n'a jamais été aussi vrai qu'aujourd'hui. Bon, certes, vu de l'extérieur - des yeux de la loi, par exemple - on observerait surtout qu'ils ont causé un massacre et que leur mariage est une cérémonie plus sanglante qu'une cérémonie maya, ce qui donne une idée assez inquiétante des suites possibles de leur union. Mais la loi est toujours tellement pessimiste...

Wandreas était beaucoup trop doux et beaucoup trop compréhensif. Ce n’est pas quelque chose qu’il connait, bien qu’il l’apprenne à ses côtés. Parfois il rêve encore de posséder un empire et de contrôler l’univers et puis, dans ce monde-là, il est seul. Dans ce monde-là, aucune lumière, aucune douceur, juste du sang, de la violence. Même s’il s’y plait, il ne s’y sent pas complet. Et aussitôt le visage de son aimé revient dans ses rêves et le voilà à se prendre à juste vouloir courir le monde à ses côtés en ne se souciant plus de rien.

« Gros malin, c’est grâce à ta vachette. » Plaisante-t-il à son tour. Il n’en avait jamais été vraiment soucieux, de Yotanka, mais elle faisait partie de la vie de son mari et donc de la sienne.

Entre ses bras, il lui offre aussi les siens, sans peur de tomber, de s’écrouler ou d’avoir mal. Cette confiance qu’il place en lui pourrait bien un jour lui être fatale. Qu’importe. Ce risque là, il le prendra autant de fois que nécessaire. Il le veut lui. Lui et personne d’autre. Et cette danse a le don de le détendre, ne serait-ce qu’un peu.

« Toi, un bandit ? Non, tu es parfait comme ça. Si maintenant je t’aurais certainement chassé, avant je ne sais pas trop… mais on peut toujours s’en amuser, tu sais. » Il relève une main, pour caresser ce visage qu’il aime tant, qu’il aime trop. Wandreas a raison, c’est juste parfait comme ça. Ils s’aiment et la peur, ils la feront fuir ensemble. « Séquestre moi autant que tu le souhaite. » Oh, quelques furtives rougeurs viennent s’amuser à torturer Sirius qui mordille ses lèvres. « J’ai confiance en toi, c’est bien pour ça que je peux me permettre de tout te dire. Et je ne compte pas t’abandonner non plus. »

Ce baiser affole son cœur, sans qu’il n’en comprenne la raison. Ses mains se décalent en caresses légères pour tenir la taille de l’homme de sa vie. Quant à la confession, elle le cueille, violente et douce. « Si un jour tu commences à t’égarer, je te tiendrais la main pour te guider. Et si un jour tu m’oublies, n’ai crainte, je te referais la cour et tu retomberas inévitablement amoureux de moi. » Quelle assurance, quelle détermination, quelle vérité dans ces mots. Il arrive à s’étonner lui-même de ce qu’il lui offre.

Sirius caresse les hanches de son aimé. « C’est une page qui est complètement tournée. Mon passé. Maintenant… que j’ai hâte d’écrire pleinement notre avenir. » Au loin, on les appelle tout sourire. Là où les deux aimés dansent les pieds dans l’eau, on immortalise leur moment de dizaines de photos, et quand Sirius les fait s’arrêter pour regarder leurs familles et amis, la lumière dans leurs dos, leurs sourires envers eux, lui fait tout drôle. C’est prenant.
C’est quelque chose qu’il n’oubliera jamais. « Je l’ai trouvé, mon bonheur. » Souffle-t-il tout bas en se serrant un peu contre son mari.

Sa main dans celle de Wandreas, son sourire s’agrandit. « Et puis, je crois qu’on n’est pas seuls à se battre. Même si c’est encore dur pour ma tête à accepter. » Un instant le regard sur leurs pieds, le hors la loi rapproche un peu plus leurs corps l’un contre l’autre pour souffler tendrement contre les lèvres de son prince charmant : « Je ne veux pas les inquiéter, mais je m’enfuirais bien sur un bateau au large pour la nuit… qu’en penses-tu ? Veux-tu bien être mon pirate et faire comme si nous avions vingt ans ? » Il l’embrassera, avec une passion certaine. « Faisons quelques douces folies, comme un couple de jeunes mariés. »

Il chasse ses craintes, il chasse la douleur de la journée, il chasse la vision de son père qu’il aura tué de ses propres mains. Pour combien de temps ? Lui-même l’ignorait. « Un road trip, c’est ça qu’il nous faudrait… je devrais pouvoir négocier ça en… prétextant aller trouver quelques nouveaux fournisseurs voir avoir nos propres productions… ça serait l’occasion d’être libre toi et moi, un temps… » Sirius a ses mains qui dessinent le corps de Wandreas, comme s’il l’apprenait à peine alors qu’il le connait par cœur. Il a ce besoin, aujourd’hui plus que jamais, de se rassurer sur sa présence, de se rassurer sur sa vie, sur leur vie.

Pendant un moment, Wandreas resta silencieux. Il réfléchissait. Le silence berçait son coeur agité jusqu'à l'apaiser totalement. La légère odeur de sang dans l'air devenait presque une routine acceptable, l'accompagnatrice d'une couleur qui avait toujours été sa favorite, et lui avait même valu un surnom. Il frissonna tout à coup : l'obscurité grandissante l'avait surpris dans ses pensées. Ses mains se resserrèrent sur son compagnon, et il le souleva dans ses bras comme pour franchir le seuil de leur chambre nuptiale. En réalité, il se rendait à bord d'un canot attaché non loin de là. Il n'était pas un grand guerrier, et il aurait sans doute faibli à l'instant de tourner son arme contre un membre de sa propre famille, mais au moins il savait piloter une embarcation.
Voeu exaucé.

"Ce soir, je te séquestre. On a été bien entourés, très entourés même, mais on a besoin de superposer de nouvelles images à celles d'aujourd'hui."

Délicatement, il déposa son amant à bord. Ils étaient mouillés mais ça n'avait rien de désagréable, et le grand vent du large aurait tôt fait de les sécher. Il se hissa à bord à son tour, et considéra les commandes. Au moins il n'aurait pas à ramer... Il suffirait de démarrer le moteur. Pas une seconde il ne fit mine de signaler leur escapade aux autres, mais il était conscient d'un regard perçant qui avait pesé sur sa nuque tandis qu'il marchait, et il était bien certain que Denny au moins était parfaitement conscient de leur départ. Il n'en pensait pas moins, sans doute. Ce garçon était plus sévère et moralisateur qu'une gouvernante de soixante-quinze ans (mais le rouge lui allait si bien qu'on ne pouvait pas lui en vouloir.)

Dans un geste de défi supplémentaire, Wandreas trouva la radio et mit la musique à fond en s'éloignant du rivage.

"Allons voir ce qu'il y a sur l'île d'à côté. On aperçoit ses lumières sur l'horizon, on ne peut pas se perdre."

Il s'assura que les vagues ne secouaient pas son compagnon : faire les fous, c'était tout à fait dans son intention, mais aggraver ses blessures... Et pourtant, à chaque mètre progressé en direction de l'horizon marin, et des lumières dansantes sur l'eau qui indiquaient le port touristique, la liberté l'empêchait de se faire du souci. Il était conscient, mais insouciant, convaincu par une sorte de superstition qu'ils avaient suffisamment souffert et qu'ils ne risquaient désormais plus rien. Le prix du sang avait été payé, ils étaient en paix. Sur les eaux noires se répercuta le grand rire de Wandreas, alors qu'il se battait avec succès contre le courant.

"Denny va me tuer. Il est très inquiet pour toi, tu sais ? Un peu entiché aussi. Il a énormément apprécié notre petite fête de l'autre soir." Son sourire s'étira, malicieux. Voilà des images qui feraient du bien à Sirius, la perspective de nouvelles soirées, au manoir désormais reconstruit, dans un luxe différent du luxe moderne auquel ils étaient habitués. "Je ne devrais pas te dire ça, mais j'ai rarement vu son anatomie réagir avec autant d'enthousiasme. Tu dois avoir des doigts de fée."

Ils étaient déjà seuls, trop loin pour que les autres leur donnent la chasse. Seuls au milieu de l'immensité, aussi caressante et séduisante, aussi dangereuse et imprévisible que leurs destins. Ils auraient pu disparaître dans cette immensité et vivre une nouvelle vie, loin de leurs attaches et de leurs poids dans cette vie présente. C'était grisant de l'imaginer même s'ils ne le feraient pas.

"Nos costumes vont faire sensation. Tu ne crois pas qu'on devrait se débrailler un peu ? Pour passer un peu plus inaperçus. Je dis ça comme ça."

Alors qu'ils arrivaient au milieu de la mer, le ciel s'illuminait au-dessus d'eux. Il n'y avait plus rien autour d'eux pour concurrencer la lueur des étoiles.

Dans ses bras, aussi courte soit la marche, il en profite pour poser sa tête contre lui, paisible. Sirius commençait à avoir l’habitude de ces moments, et il aimerait en profiter autant que possible. Dans le petit bateau, une fois déposé, l’homme de l’ombre mis en lumière lui offre son plus tendre sourire. « Je n’ai besoin que de toi, pour parfaire cette journée hors norme. » Dans le bon comme dans le mauvais.

Assis à l’avant, Sirius observe son pilote. « Et puis, même si on se perdait, on finirait par nous retrouver, ne t’en fais pas. Du moment qu’on est ensemble… » il a un air quelque peu rêveur sur ces mots. Lui qui adorait le lire dans les histoires, le voilà à le dire dans sa vie. Sa vie. Pas celle qu’on a voulu tracer pour lui. Un instant de bonheur. Le leur. Un instant de magie pure. « … Il ne pourra rien nous arriver. » C’est si sincère que ça transperce son propre cœur.

La musique le fait voyager, tenter de chanter parfois, quand il croit connaitre les paroles.

Son rire le fait se retourner vers lui, étonné. « Denny est… oh… » Voilà ses joues qui reviennent se réchauffer malgré la fraîcheur de l’embrun marin nocturne. « Wandreas ! » Fait-il faussement choqué lorsqu’il parle de Denny et de son appréciation de leur petit moment tous les quatre. « Tu es bien placé pour le savoir si mes doigts sont ceux d’une fée… que je sache, mon Amour. » Il n’y a pas de raison qu’il soit le seul à jouer sur ce terrain-là.

Avec mille précaution, Sirius se lève en se tenant fermement par ses mains, tout en testant la souplesse de son genou sans forcer plus que de mesure tout de même. Le voilà à se glisser comme il le peut dans le dos de son aimé pour le prendre dans ses bras, par la taille, et déposer un baiser dans sa nuque avant de pencher sa tête pour la mucher contre le haut de son dos. « J’en ai rien à faire qu’on se fasse voir. Wandreas on… on vient de se marier, on a le droit d’être étincelant et d’en mettre plein la vue à tout le monde. » Contre lui, il pourra le sentir sourire.

« En revanche, si tu veux qu’on se débraille, coupe le moteur. Ca, ce ne sont pas des choses que je partage avec n’importe qui, et tes fesses moins que le reste. » Ah qu’il a chaud aux joues et que son cœur bat beaucoup trop vite. Mais il est bien et heureux, sous les étoiles, faussement perdus en plein milieu de la mer, avec le plus désirable des pirates.

« Tu sais ce qu’il nous manque ? » Ses bras se resserrent un peu, sans le gêner dans ses mouvements, sans risquer qu’ils se fassent mal l’un ou l’autre. « Un bon rhum. Ca serait parfait, pour des pirates tel que nous ! »  Ses mains se détachent un peu, pour finir dans les poches avant du pantalon de son aimé. « Je n’ai pas envie de m’éloigner. » chouine-t-il presque. « Je n’ai pas très envie de te partager avec le monde tout suite en réalité. » Le hors la loi redresse la tête pour lui embrasser la nuque. « J’aime le paysage qu’on a, là, entre les deux iles, en pleine nuit dégagée. Les étoiles sont splendides… pas… pas autant que toi… mais elles sont belles tout de même et… les regarder avec toi, bercé par l’eau, ça me va tout autant que continuer à faire la fête ailleurs, loin de nos amis et de notre famille. »

Sirius sourit de nouveau, de plus belle. « Je veux juste être avec toi en fait, peu importe pour quoi faire, peu importe où. Juste avec toi. » Il sent qu’il fatigue, nerveusement, de toute cette sociabilisation, de ce combat qui est terminé, de ce bonheur qui le perturbe dans le bon sens. Et dans le même temps, il se sent juste bien et parfaitement à sa place. Peu importe où dans le monde, du moment qu'ils étaient ensemble. Cette vérité effrayante lui va bien. Cette vérité lui fait comprendre aussi la chance qu'il a de ne pas être la plus haute tête de leur organisation clandestine. Déjà que comme ça, Wandreas risquait gros à se montrer si proche de lui, mais ça aurait été un vrai calvaire.

Ses rêves de grandeur s'estompent davantage. Oui, une vie, simple, mais une vie avec lui.

« Je ne suis pas très champagne. Dommage… et ce n’est pas le plus important. » Ce n’était que pour la blague. Il n’avait pas besoin d’alcool pour être bien à ses côtés, même si l’idée de se réchauffer un peu avec lui avait plu, brièvement. Ils n’avaient clairement pas besoin de ça.

Face à face de nouveau, Sirius affiche un sourire léger, un visage un peu trop amoureux et heureux. « Ca serrait terrible de se perdre en pleine mer involontairement, en effet. » Dans leurs échanges, il ne rate nullement l’effeuillage de son conjoint et procède un peu plus lentement au sien. Ce n’est pas qu’il a froid, c’est simplement qu’il veut profiter de lui et ses mains.

Depuis son accident, enfin, l’échauffourée orchestré pour l’atteindre en kidnappant son aimé, il avait dû se faire aider par Wandreas. Et si les débuts avaient été chaotique pour lui et sa fierté, il y avait trouvé son compte et appréciait sentir ses mains l’habiller comme le déshabiller, surtout pour le plaisir.

« Ca me va, un peu de calme… enfin… juste du bonheur. » Lâcher pleinement ses armes, faire tomber l’armure et se reposer contre sa peau.

La lumière attire son regard. S’il s’était détendu, le revoilà bien alerte. « Les vieilles habitudes ont la peau dure. Tu le sais bien et… hey ! » Le voir en tenue première lui plaisait, bien sûr, mais le partager avec des parfaits inconnus, bien malgré lui, surtout en cet instant, moins.

« Pour ce soir, mon tendre époux… il est hors de question que je te partage à qui que ce soit. Encore moins bien ça. » Puisque l’humeur était taquine, sa main effleure son entrejambe, vulnérable et offerte.

Après un énième baiser, il décalera sa bouche pour susurrer à son oreille « Je te veux. Je veux te posséder comme jamais je ne l’ai encore fait et que tu me fasses tiens, comme jamais tu ne l’as encore fait. » De là, il mordillera son lobe, un peu vivement peut-être, sans chercher à lui faire mal. « Ce mariage est fou, comme nous. Soyons deux fous aimant jusqu’au bout. »

La lumière se rapproche d’eux et Sirius, qui aura tout fait pour garder encore son pantalon, se place de sorte à cacher la nudité complète de Wandreas. La lumière l’aveugle, droit dans ses yeux. Elle l’oblige à détourner le regard, à se protéger d’un bras.

« Tout va bien messieurs ? Vous êtes en pannes ? » Sirius sourit, abaisse son bras. « Tout va bien, nous faisions halte comme deux mariés pour consumer notre lune de miel. » Il entend celui qui leur avait adressé la parole balbutier quelque chose puis toussoter. « C’est pas prudent. » Reprend le garde côte. « On nous a signalé des types louches aux abords. Une dizaine de gars dans trois vedettes. On continue les recherches. Soyez prudents. »

Le hors la loi fait un petit signe et le bateau s’éloigne d’eux. « On dirait… que la partie n’est pas complètement terminée. Mon Amour… si je te dis que… cette sensation d’insécurité… me donne encore moins envie de rester sage comme nous le sommes… tu m’en veux ? »

Il reste contre lui, collant son corps davantage au sien. « Déshabille-moi, je veux sentir tes doigts sur ma peau… » une supplique ardente, comme son corps, qui laissait facilement voir toute cette envie qu’il lui disait ressentir, là, serré dans son pantalon.

C'était toujours amusant de déconcerter les gens sérieux, en leur laissant deviner à quel point ce couple pouvait être fantasque. Wandreas imaginait les conversations des gardes-côte après cette étrange rencontre en pleine mer. Ou plutôt, un silence gêné. Pour sa part, s'il avait eu ce genre de métier, il ne se serait pas gêné pour prendre une petite pause en compagnie d'un collègue intéressé, dans le secret des vagues. Le roulis régulier ajoutait quelque chose à ces étreintes, comme si l'univers prenait part à sa façon aux va et vient des amants. Une résonance infinie.

Des types louches ? Wandreas avait envie de rire. Non seulement l'euphorie du moment faisait courir dans ses veines bien plus que du champagne ; mais ils étaient probablement les types les plus louches que ces braves garçons rencontreraient ce soir. Pourvu qu'il ne leur arrive pas malheur, ils étaient sans doute de leur côté les seuls innocents qui occuperaient ces eaux dans le courant de la nuit.

"On éteint tout. On sera invisibles."

L'avantage d'avoir une petite embarcation, c'était sa discrétion. Le désavantage, c'était l'absence de cabine. S'il se mettait à pleuvoir, non seulement ils seraient trempés mais ils allaient devoir écoper. Heureusement, aucun signe de tempête n'apparaissait à l'horizon. Tout était calme... Et ce patrouilleur qui s'éloignait en décrivant un large arc de cercle serait vite oublié. Wandreas le suivit tout de même des yeux. Puis le courant d'air et le frôlement de son compagnon lui rappelèrent sa nudité. Attentif à nouveau envers son mari seul, il commença à le déshabiller à son tour. Dans cette obscurité ondoyante, son corps pâle était la seule étoile visible à terre. C'était un sérieux aiguillon de se dire que l'ennemi, s'il venait, viendrait pour lui. Pour le mystérieux fanal de ce corps flottant au milieu du néant. Comme une flotte converge vers l'appel d'une sirène. A cette pensée, Wandreas se sentait possessif à son tour.

"Ce que tu ressens, c'est l'urgence. L'instinct de vie, comme disent les blouses blanches."

Malgré ses réflexions, il dépouilla son compagnon de ses moindres vêtements, remisant le beau costume à l'écart avec le sien. Ils pourraient toujours les rouler ensuite pour en faire un oreiller provisoire lorsque la fatigue gagnerait Sirius. Pour le moment, il était temps de les oublier. Un grand sourire brilla sur le visage de Wandreas, alors qu'il s'étendait sur la banquette du petit bateau, offrant les reliefs de son corps en appui pour éviter tout heurt à son gangster préféré. Tout cela, leur petit rituel si doux après l'afflux de violence, les vaguelettes qui caressaient le bateau... cela lui rappelait leur nuit dans la baignoire. Depuis ces débuts timides, on peut dire qu'ils avaient appris à faire les choses en grand : on faisait difficilement plus grand que l'Atlantique.

"Mais personne ne nous remarquera ici." Sa voix empreinte de promesses se perdit contre la gorge de Sirius, où il sema une guirlande de baisers. Enfin, ils mêlaient leurs chaleurs, peau contre peau. Comment avaient-ils pu patienter si longtemps sous cet amas de vêtements ? "Ferme les yeux et on sera invisibles. On devra se repérer juste avec les mains... tragique, non ?"

Joignant le geste à la parole, il abandonna celle-ci pour se perdre dans un long baiser, qui en disait bien davantage que tous les discours de noces.