Tw : Violence verbale et physique, consommation excessive, tendance à se rabaisser, repli sur soi, changement de comportement régulier
« Et toi, Luana ? Que vas-tu offrir à ta maman pour sa fête ? » Chaque fois c’était la même chose. On lui demandait ce qu’elle préparait pour sa mère qu’elle n’a pourtant jamais connu. N’ayant pas connaissance du lieu où elle vit, pas même son nom de famille ou prénom, dès son enfance Luana a grandi dans l’absence de celle qui l’a mis au monde avec des « pourquoi » plein la tête, constamment.
Forcément que dans ce cas, tu as du mal à faire tes premiers pas de vie. Tes premiers anniversaires, tu les supportes difficilement. Tu as tendance à imaginer fréquemment une mère à ton chevet, te posant un gant mouillé dès que tu as de la fièvre. Comme tout enfant, tu mériterais qu’elle soit à tes côtés dès qu’une nouveauté bouscule ta vie. Finalement, c’est le bordel qu’est entré petit à petit, bien que ce n’était pas ton souhait au départ.
« Et ton papa, alors, dis-nous tout, il était content de la surprise ? » Si tu avais au moins pu avoir un père, un vrai, celui qui soigne tes blessures, qui te protège dès qu’on t’approche de trop, qui prend soin de toi autant que tu en as besoin, peut-être que tu n’aurais pas eu autant de problèmes en vieillissant. En réalité, tu as simplement gagné un enchaînement de nouvelles maisons, de connaissances aussi. Plus tu changeais de ville, plus tu le voyais jouer séducteur sans pour autant parvenir à garder les femmes qu’il côtoyait à ses côtés. Pourtant t’en as apprécié une particulièrement, la seule qui est restée plus de cinq ans auprès de lui.
Dès que tu as appris son enterrement à la veille de tes vingt-quatre ans, tu ignorais comment réagir. Tu te sentais à la fois si proche d’elle et pourtant si peu appréciée dès que tu la voyais poser un œil sur toi après ta majorité que t’en as ressenti des émotions. Pas forcément des mauvaises pour autant. Au contraire, ça t’a remémoré certains instants positifs de ta vie dont la première poésie qu’elle t’avait aidé à rédiger, tes envies de t’exprimer un peu plus et de moins te rabaisser ou tout du moins, de ne plus le cacher, jusqu’à t’enfoncer toujours un peu plus dans la réalité : ta mère t’a lâchée dès que tu es née et t’ignores qui et où elle est, ton père t’a donné le sentiment de devoir porter un poids sur la durée et cette femme qui ne t’a pourtant rien fait avait elle aussi changé du tout au tout envers toi dès qu’elle avait appris que tu avais fait confiance à un con du quartier, t’adonnant cœur et corps à lui, sans qu’elle puisse t’y retirer.
Depuis tes dix-huit ans, tu as fait ton premier bond sans retour, tu as quitté le faux cocon familial d’Italie, te jetant dans les bras d’une fille qui t’était connue que des réseaux sociaux, qui te promettait de beaux jours à ses côtés. Et comme t’en avais plus rien à foutre à cette période-là, tu as franchi le pas. La barrière ne s’est pas levée, non, tu l’as fracassé dès ton arrivée dans ce quartier, Red Hawk.
Un nouveau pays pour de nouvelles envies. Plutôt aisée devant les inconnus, sans retenue, tu as vite rencontré diverses personnes et c’est grâce à ça que tu as commencé ton aventure en tant que rédactrice web freelance. Dès que tu as l’impression qu’il n’y a pas suffisamment de visibilité, tu relâches la pression en consommant de l’alcool dans chaque bar du coin à un point où parfois t’en lâches les poings. « Tu devrais faire attention » que t’a annoncé le barman du coin, te relevant dès que t’as refusé qu’il appelle les secours, te comporter en adulte, et malgré tout, tu ne sais pas, c’est comme si tu avais ce besoin vital de cogner. Cogner avec les mots ou avec les mains directement, selon les situations.
Tu es bien loin d’être méchante. T’as un putain de bon fond. Tu ne t’en rends pas compte pourtant. Tu es ce genre de fille qu’on admire parfois, qu’on pourrait détester de temps en temps et qui, au bout du compte, est trop attachante pour qu’on l’y s’y détache. Tu fais comprendre ce que tu ressens quand la douleur est trop forte et tu te rabaisses dès que le mal s’est trop emparé de toi mais pour autant, tu refuses d’abandonner qui que ce soit. Tu parais inconsciente que tout ce que t'as subi n'est pas dû à qui tu es mais bel et bien à ce que tu ne pourras jamais changer.