Please don't hurt me | Théo

Sa cible savait des trucs, qu'on lui avait dit. Il fallait s'assurer qu'il ne parle pas, jamais et à personne, quelque soit les moyens employés, quitte à revenir le voir plusieurs fois.

Théo relève son masque sur son visage, on ne discerne que ses yeux et quelques mèches de cheveux rebelles. Il a des gants, un pantalon large en toile noir, un haut de survêtement avec graffitis. Il avait étudié son trajet pour être sur de pouvoir le coincer. Ce soir c'était le bon soir. Théo était confiant. Alors il l'attend à l'ombre d'une ruelle sombre et quand il arrive, il le ceinture et le plaque contre le mur vivement, face au mur, dos à lui. Il manquerait plus qu'il arrive à le reconnaître un peu avec ses yeux.

Les aboiements du chien le fige un peu. Merde, même s'il s'était préparé, c'était toujours difficile de ne pas penser à son ami que l'âge avait rattrapé. « Fais la taire, j'lui f'rais rien. » Non, on ne fait pas de mal aux animaux, surtout pas. D'ailleurs quand il ose jeter un coup d'oeil à la petite chose, son regard s'attendrit une seconde. « Et ton fric j'en ai rien à carrer putain. » Il appui un peu plus ses mains contre l'autre homme pour le presser contre le mur. « Tu sais des choses, et tu vois, ils doutent de toi, c'est pour ça que j'suis là. Les balances on les liquide. »

Théo inspire une seconde. « J'vais te relâcher lentement. T'as pas intérêt à gueuler ou t'enfuir sinon tu prends une balle. Vue ? Et elle aussi par la même occasion. On va juste marcher. » Il attend son approbation avant de le relâcher tout doucement en s'éloignant à peine. Quand Elian se retournera il lui montrera une arme caché sous son haut à la ceinture de son pantalon. Théo ne s'en servait jamais, mais il l'avait au cas où et avait ses papiers sur lui. Il était en règle.

Dans un coin de sa tête malgré lui Théo retient le nom de la chienne. Il était cool, selon sa perception de la chose. Bien sûr il aimerait que l'animal se calme et vite, qu'il n'ait pas besoin de lui faire le moindre mal, parce qu'il avait horreur de ça. S'il devait choisir entre sauver la vie d'une personne et celle d'un animal, il n'hésiterait pas et sauverait l'animal. Du moins, c'était ce qu'il s'était toujours dit. A voir en situation et en fonction de la personne. Mais pour le gros dur qu'il voulait être les sentiments n'avaient pas leur place, bien évidemment.

S'il avait été brusque à son attaque, il est plutôt doux et précautionneux lorsqu'il s'éloigne et le relâche, sans doute pour lui éviter un mouvement qui le blesserait inconsciemment. Théo soupire et se demande si vraiment ce type sait quelque chose sur eux. A part avoir l'air d'une lopette, il ne décèle rien de particulier. « Rien ? » Qu'il répète en arquant un sourcil sans le quitter des yeux. Dans le fond, c'était peut-être juste un ancien camé de plus qui savait pas à qui il achetait sa drogue. Potentiellement. Mais il ne devait rien louper, on ne lui pardonnerait pas. Faire peur. Faire passer l'envie de parler, quelle que soit la méthode du moment qu'elle restait un temps soit peu discrète. Son job.

Ca fume dans la caboche de l'homme de main. Il ne savait pas trop quoi faire. D'habitude ça se passe différemment. On lui hurle dessus, ils se battent et... Théo repart mission accomplie.  Là... il était un peu en terre inconnue. « Marchons et essuie-toi l'visage... t'es dégueu' comme ça. » On n'est jamais très beau quand on pleure un peu. D'un bras légèrement tendu vers l'avant, il montre la direction qu'ils vont prendre : celle que suivait à l'origine Elian.

« Je sais qui t'es. » Une fois que l'autre homme s'était un peu calmé. Théo marchait les mains dans les poches, l'air désinvolte. « Et où t'habites. » Naturellement. C'était le b.a.-ba. « Du coup, même si tu m'racontes des cracs, du moment qu'tu crache rien aux poulets... tu rest'ras vivant et Raven s'ra pas sans papa. » Ce n'était pas la bonne manière de dire. On appelait pas naturellement le propriétaire d'un chien un ''parent'' de celui-ci, mais son maître. Ca laissait peut-être un peu trop comprendre qu'il respectait et aimait les chiens. « On va au parc. J'te laisse pas l'choix. » Bin non, c'est lui qui commande.
Du peu qu'il aperçoit, Théo pense vraiment que les doutes concernant Elian sont infondés. Il n'a rien d'une balance ou alors il est très bon acteur. En le côtoyant un peu, il verrait s'il joue un rôle ou non. C'était sa conclusion d'où son étrange invitation. « Putain, y m'faut un café... » râle-t-il rapidement avant de bailler à s'en décrocher la mâchoire derrière son masque. Il en vient même à se frotter la nuque avant de remettre sa main dans la poche de son sweat. « Dis... d'mémoire, y'a bien un vendeur d'boissons au parc hein ? » Il tuerait pour un café. Ca voudra dire baisser son masque aux côtés d'Elian, mais... il trouvera une solution pour ça au moment T.

« J'suis personne. » Il n'allait pas sagement se présenter. Si Elian ne savait pas faire le lien, sans doute n'en avait-il aucun. Ou plus de souvenir. Il n'était peut-être juste pas un danger et le sino-polonais était en train de se faire chier pour rien. Bon, il ne boudait pas son plaisir devant le chien. Parce que les chiens c'est la vie !

Tout en râlant, au final Théo n'était bon qu'à ça, quand ils marchent, il sort son téléphone et envoie rapidement un message de ses conclusions. Alors qu'il faisait ça, qu'Elian avait confirmé qu'il y avait bien un vendeur dans le parc, il se remet à chouiner et chialer. Haussant un sourcil, le brun souffle lourdement. Une seconde à peine après et sans quitter sa victime des yeux, il s'accroupit et tend doucement une main vers la chienne en posant ses yeux vers elle. Son attitude avait changé. Nul doute que l'animal le sentira. Son maître n'était pas une menace pour son gang. Il ne serait pas une menace pour son maître. « Viens ma belle. » Même sa voix est plus douce, clairement couvrante. L'avantage avec les animaux, c'est qu'eux ils sont francs. « J'te tuerais pas. » Annonce-t-il en gardant son attention sur la chienne dans l'idée de la papouiller un peu. « J'devais être sûr qu't'étais pas une menace et y'avait qu'comme ça que j'pouvais savoir. » Inspirant lentement, Théo finit par se relever doucement. « Alors chiale pas. Hm ? » En farfouillant dans sa poche il tire un paquet de mouchoirs et lui tend. « Tiens. » Une main sur la hanche, l'autre tendue vers lui, son regard n'est pas nécessairement sympathique mais clairement moins agressif que plus tôt.
« J'aurais toujours un œil sur toi. Alors fais pas d'conn'ries. Reste éloigné des mauvaises choses. » Ses yeux se baissent sur Raven. « Ca m'f'rait chier qu'elle finisse vraiment sans papa. »

Qu'il ait pris ou non le paquet de mouchoirs, Théo finit par s'étirer sur toute sa hauteur en poussant un soupir bruyant et reprenant la marche. « On y va. J'en ai encore plus envie maint'nant d'mon café. Et j't'ai pas encore relâché. » Mais sa voix est moqueuse. Il s'en foutait si Elian lui fauchait compagnie maintenant, il n'avait plus besoin de le retenir. Il n'était pas en mesure de parler de quoi que se soit vue qu'il ne savait rien. Il ne savait rien hein ?

« La curiosité est un vilain défaut très cher. » Son ton condescendant est également presque un murmure. Théo trouve la chienne vraiment magnifique. Il est presque désolé de devoir mettre la pression à son maître car elle semble heureuse à ses côtés. « Mais une menace pour des gens importants. C'est jamais bon de savoir des choses. » Articulant ses paroles, Théo finit par se relever, non sans décocher un tendre regard à la petite boule de poils.

Le bad boy croise ses bras sur sa poitrine et toise un peu son vis-à-vis. Bon sang qu'il est chiant avec ses questions. Il n'a pas encore compris que Théo lui répondrait pas ou juste vaguement ? C'est quoi le problème avec lui sans rire ? Alors qu'il allait ouvrir la bouche pour lui répondre, le gamin questionne au sujet de son père. Quoi son daron ? Il rentrait même pas dans l'équation. « Il a fait quoi ton daron ? » Et pourquoi il demande en vrai il en a rien à carrer lui. M'enfin, si ça peut détourner la conversation. Et puis Théo ne portait pas son propre père dans son cœur alors cracher sur celui d'un autre lui allait bien.
Doucement cette fois, il décroise ses bras et invite Elian à le suivre pour qu'ils aillent s'asseoir sur un banc. Il n'aurait pas son café tant pi, plus tard. Là tout de suite, il se sentait d'écouter son histoire d'une oreille et d'admirer la chienne. « J'ai encore des mouchoirs j'crois s'i' faut. » Les bras croisés derrière sa nuque, le voilà parfaitement détendu même s'il est dur de le voir derrière son masque. « Raconte. » insiste-t-il en douceur. Il ne travaillait plus de toute manière, il était libre pour un petit temps à moins d'un message ou d'un coup de téléphone urgent.

Bon, il a pas envie. Tant pi. Pourtant ça fait son bonhomme de chemin dans la tête de Théo qui lève les yeux au ciel. Il aurait préféré rien savoir lui. Maintenant il a envie de s’en mêler. Parce qu’au delà d’être un parfait connard, il a aussi du coeur. Surtout que ça le touche. S’il pouvait tuer son propre père, il serait enfin libre. Mais il pensait à sa grande sœur et son grand frère et ne faisait rien. Et puis tuer… c’est sale. Il n’a pas encore les mains sales.
En donnant les mouchoirs à Elian, Théo s’étire un peu tout en tendant l’oreille. « Peut-être. » Que ça changerait rien de lui dire. Quant à la question, elle lui fait ni chaud ni froid. « Peut-être. » Répond-il de nouveau.

Mais alors qu’il allait remettre ses mains derrière sa nuque pour se détendre, il fronce plutôt les sourcils. Dans quoi il s’était fourré encore sérieux ? Ils veulent le protéger ou le tuer en vrai ? Théo soupire. « Dis-moi, ton daron s’rait cap d’envoyer des gars t’surveiller ou t’tuer ? » Il n’était pas très éloquent et les beaux mots il laissait ça à son grand frère. « Ha ne cherche personne du regard. » Il ne pouvait pas le raccompagner chez lui tout de suite. Mais il ne pouvait pas le laisser tout seul. S’il déteste les autres il chéri au moins la vie. « Quand t’auras r’pris tes esprits on ira marcher en baladant ta chienne. Je saurais s’ils te suivent ou pas et on avisera. Ca s’trouve, j’suis juste trop parano ! » Théo s’étire de nouveau et place ses mains croisées derrière sa nuque en regardant Elian. Il a envie de baisser son masque, de jouer au bon pote. Il a envie de se bastonner aussi. « Garde ta langue et il t’arrivera jamais rien de mon côté, j’te le promet. » Le voilà engagé. On ne rompt pas une promesse, fois d’Andrzej.