The fuck happened to you?| Ft. Théo

Mauvaise soirée. Cette fois il s'était pris quelques coups et c'était visible sur son visage et sa lèvre surtout. Bah, c'était des choses qui pouvaient arriver mais c'était toujours chiant pour le jeune homme. Il n'aimait pas qu'on puisse l'atteindre. Déjà qu'il n'était pas très épais, ça le rendait encore plus fragile, bien plus qu'il ne l'est en réalité.
Parfois, ça pouvait tourner à son avantage.
Un peu comme ce soir.
Il avait prévu de rejoindre un pote pour boire un coup, simplement. Ses côtes lui font un peu mal, rien d'insurmontable mais tout de même. Il devait avoir de beaux hématomes sous ses fringues.

Avançant une clope au bec, il la jette et l'écrase nonchalamment sur le sol dès qu'il aperçoit la silhouette d'Arak. Théo était un peu en retard. Il détestait être en avance, sauf quand il devait aller bosser pour ''eux''.

Un pouce qu'il passe sur sa lèvre pour essuyer quelques gouttes de sang encore fraîches et avant qu'il ne fasse son beau, les mots de son pote le font changer d'attitude. « Salut. » qu'il décroche sur un air douloureux. « Je connais pas le nom d'ces types. » Autant en rajouter, il fallait bien qu'ils soient plusieurs pour le mettre aussi minable non ? La vérité, le type était doué en sport et savait plutôt bien se défendre. La tuile. « Mais ça va. J'ai plus besoin d'une cuite que d'un toubib ou d'aller voir les condés. Je suis pas en grâce avec eux t'sais... je risque plus de m'faire mettre à l'ombre qu'autre chose si j'y vais. Y vont penser qu'c'est moi. » Ce qui en soit était la vérité. « J'marche, c'est d'jà ça. » Il lève son bras, qu'il ralentit et surjoue un peu sa grimace de douleur avant de l'inviter par une tape légère dans le dos à entrer dans ce bar. « Après si tu veux jouer les infirmiers à domicile... tu sais qu'ma porte t'es ouverte. C'pas les filles qui diront que'que chose. » Il lui ferait presque les yeux doux. Il savait que sa femme et la copine de celle-ci le soignerait en temps voulu chez eux, mais s'il pouvait faire croire à son pote qu'il se faisait maltraiter alors que c'était tout l'inverse, c'était aussi bien.
« Par contre, on s'pose ? J'suis fatigué. » à une table, un peu tranquille, juste pour boire et raconter des conneries, l'écouter sur sa vie s'il le voulait. Ce soir il voulait bien être moins connard que d'ordinaire, même s'il regardait toujours avec dédain les autres et que la main dans le dos de son pote lui a coûté lui et son aversion des contacts.

« Ouai bah ma tronche de ce soir elle te dit merde. » Qu'il lui répond du tac au tac avec un large sourire moqueur qui lui fait mal à sa lèvre abîmée. Il aurait pu s'en sortir avec pire, honnêtement malgré sa dérouillée il se trouvait chanceux. Théo avait mené à bien sa mission après tout, quoi demander de plus ? Même s'il allait avoir des bleus pendant quelques temps, c'étaient les risques du métier. « J'ai pas envie d'aller à Whitebridge. » Il y avait son père là bas, lequel ne savait pas ce qu'il devenait réellement, le croyant quelque part dans les airs en temps que pilote. Encore un qu'il ne veut pas décevoir. Même si le seul de sa famille qui lui importe vraiment c'est Dimitri, son grand frère. Sa sœur n'avait aucune grâce à ses yeux. Vraiment aucune.
Il ne dira rien de plus. Parce qu'il ne veut pas y aller à cause de sa famille, des souvenirs qu'il y avait et qu'il veut garder intactes. Des choses comme ça, trop personnelles.

« Ha, fais gaffe, je prendrais goût à t'appeler mon p'tit infirmier après ! » Un rire franc qu'il ne retient pas. Sa connerie le fait rire, et tant pi si ça emmerde quelqu'un qu'il soit de bonne humeur malgré son allure. « Je refuse pas un verre, jamais. Et va pour les glaçons. » Théo observe l'ambiance du bar d'un œil distrait, se demande si la boîte où bosse son frangin a la même odeur ou si c'était plus huppé.
Installé, quand le serveur le dévisage, il lâche malgré lui un « Quoi, tu veux ma photo ? » C'est vrai quoi, il n'avait pas à le juger. Bon, même s'il devait craindre qu'il fasse du grabuge, Théo n'était pas comme ça, pas dans un bâtiment avec autant de spectateur. En pleine rue, dans une maison, une chambre... ou des lieux abandonnés et désaffectés. C'était plus ça lui. « Un Sky pour moi aussi. » Pas de formule de politesse, c'était pas nécessaire, c'était son job à l'autre après tout.

Quand le serveur part, il repose ses yeux sur son ami. « Bon alors, ta journée ? La mienne t'en a un aperçu. » Au final Théo avait plus mal aux côtes qu'autre chose, mais bon, il ne pouvait s'en prendre qu'à lui de ne pas s'être assez renseigné cette fois-ci. « Pas qu'ça m'intéresse mais.. si en fait. » non en fait. Pas du tout, c'était juste pour meubler la soirée, même s'il était du genre à juste apprécier boire accompagné en silence, il aimait bien écouter les autres, ça évitait qu'on parle de lui.

Mais, lorsque le serveur revient avec leur boisson et les glaçons, une jambe s'étire à une autre table faisant chuter le pauvre homme qui n'a rien demandé. Théo ne se sentant pas concerné pour deux sous détourna juste la tête en voyant le début de la scène, non sans s'en amuser intérieurement.

« Chiche tu l'fais ! » Se mettre en tenue d'infirmière et tenter de le soigner. Ca le ferait bien rire en tout cas. Pas dit qu'il le trouve pas ''mignon'' non plus comme ça mais ça, il se garderait sans doute de le dire. Et puis quoi, ça ferait des bons souvenirs. Des belles photos aussi, pour sûr qu'il en ferait.

Sur le terme ''p'tit con'' Théo adresse un sourire archi forcé au serveur l'air de bien lui signaler qu'il en a rien à foutre de ce qu'il pense ni de l'avoir blessé, énervé ou qu'en savait-il encore. C'est vrai quoi, s'il lui plaît pas il qu'à juste pas le mater et puis c'était finit. La suite des commentaires d'Arak le fait hausser un sourcil. « Tu veux qu'j'ai sortit quoi à qui ? Sérieux. » Il allait pas dire qu'il avait juste fait ce qu'on lui demandait non plus et qu'il s'était pris des coups sur la gueule parce qu'il avait oublié de se méfier. « Il était pas bien costaud... les autres un peu plus. T'sé j'sais me défendre hein. » Moins quand il était fatigué et il l'était de plus en plus. Il allait vraiment falloir qu'il mette un peu le holà entre son taff d'homme à tout faire et celui qui lui prenait presque toutes ses nuits.

Il l'écoute et rêve. C'était le métier qu'il aurait voulu faire, il a juste flippé et abandonné. Il a juste pas réussit et la drogue dans le milieu c'est pas possible. « Dommage. » Qu'il n'ait pas pu profité. Sa voix était étonnamment calme et sincère. « Pas de turbulences en vol ? » Ca aussi, il avait toujours redouté de ne pas savoir gérer des grosses turbulences. Comme plein de truc. Mais, ça le faisait toujours rêver de partir voler au dessus des nuages et de conduire ces avions. Il en avait les capacités, il avait toute la théorie dans la tête. Mais à part pour faire un vol d'évasion en catastrophe parce que pas de pilotes... il n'en aurait jamais la chance.

« Mais ayeuh ! » Qu'il se plain faussement les glaçons appuyés contre sa trogne après la chute du pauvre serveur. « J'ai rien fait quoi ! » c'était peut-être ça le soucis justement non ? Théo hausse les épaules et récupère les glaçons qu'il fourre dans un mouchoir en papier pour éviter de les mettre à même sa peau et se brûler au froid.
« Laisse la en dehors de ça. » Un éclair noir dans le fond de ses yeux et une voix un peu glaciale avant qu'il ne toussote. « On l'a fait pour s'arranger par rapport à nos vieux. On a les même, ils comprennent rien, tout c'qui les intéresse c'est d'avoir des gosses de leurs gosses. J'l'aime pas d'amour non clairement. Mais l'premier qui lui fait du mal... » Il lève son poing serré. « J'lui colle un bourre-pif. »

Théo secoue sa tête et s'affale dans son siège. « Dis... tu... pourrais m'rendre un service un d'ces quatre ? » Un froncement de sourcil, ses lèvres qui sont maltraitées sous ses dents quelques secondes, puis il souffle. « T'pourrais d'temps en temps... passer au Liquido et voir comment va mon frère ? » Demander un service... ça lui coûtait énormément. Mais il ne pouvait décemment pas prendre le risque que son frère le surprenne, et il voulait vraiment savoir comment il allait, s'il était heureux tout ça. « Me demande pas pourquoi j'y vais pas moi-même s'te plait. » Théo détourne le yeux dans le vague.

Arak avait la carrière qu'il aurait aimé. Il était cool et mignon. Son caractère était plus facile que le sien. Nul doute que sa vie était mieux réussie que la sienne. Il était jaloux, excessivement jaloux de lui, mais de le côtoyer autant lui donnait réellement l'impression de voyager à sa place.
Il n'y avait qu'à lui qu'il pouvait le demander.
Uniquement.
Le jeune homme avait raison, son caractère de cochon faisait qu'il n'avait pas beaucoup de monde de confiance autour de lui – c'était beaucoup trop dangereux pour eux. Mais justement. Il savait les reconnaître, et au fond, s'il était aussi jaloux, c'est parce qu'il l'appréciait. Il en avait rien à foutre de la vie des autres. En revanche, celles de ses « amis... » comptait plus que tout. Un murmure à peine prononcé du bout des lèvres avant qu'il ne papillonne vivement des cils sous le retour du serveur qui ne s'écroula pas une deuxième fois avec leur commande. « Merci... » ça le tue, mais bon, de temps en temps fallait bien être sympa.

Oh bah merde alors. Si Arak était chaud pour faire une telle connerie, c'est pas lui qui se débinerait le premier. « Okay, j't'appelle quand j'l'ai. » La belle tenue d'infirmière sexy. Ils allaient se payer une de ses tranches de rire. Théo avait hâte pour le coup, vraiment. « Bon, faudra pas qu'tu sois en vol non plus. Quoi que... t'aurais du succès j'suis sûr ! » une moquerie bon enfant. Ca tire même un micro sourire en coin à l'animal solitaire qu'il est.

Même quand il dit bonjour il est violent ? Ha ouai ? Théo ne s'en rendait pas nécessairement compte, tout ce qu'il voulait était qu'on lui foute la paix, qu'on ne lui pose pas de question et surtout qu'on ne le touche pas sans raison. De toute façon il ne changerait pas. Si le monde ne l'acceptait pas ? Il n'en avait strictement rien à foutre.
Le côté pro de son ami l'intéresse plus. Forcément. Même s'il tend à montrer un peu le contraire, histoire de ne pas paraître différent de d'habitude. L'aviation. Le vol. « Tant mieux. » si ça c'était bien passé.

« J'suis un pas un clebs ! » Non, mais il aurait pu. Il est au moins aussi fidèle qu'eux. Sans rire, si un jour à n'importe quelle heure Arak l'appelait parce qu'il était dans la merde il trouverait n'importe quel moyen pour l'aider et/ou le rejoindre immédiatement. Mais bon, personne ne le savait et encore moins bien sa famille. Parce que les sentiments on les use et on en abuse. Théo n'a pas besoin qu'on le piétine. Il piétine. « P'is j'suis détendu là. » Vraiment. Pénard avec lui à une table à se foutre de la gueule du pauvre serveur qui s'est vautré à cause d'un connard à une autre table.

Finalement l'homme à tout faire se décide à ouvrir un peu son cœur en demandant un service à son ami. Il se reprend vite en lui demandant expressément de ne pas poser le ''pourquoi'' qui doit lui brûler les lèvres. Il n'aurait même pas de réponse valable. Dans le fond Théo est sûr que Dimitri ne lui en voudrait même pas de ne pas avoir réussit à devenir pilote. Là où ça poserait problème... ça serait pour ce qu'il cache à tout le monde : The Hive.
Puisqu'il ne refuse pas, les yeux de Théo reviennent sur Arak et ils brillent de gratitude. Il ne s'imaginait même pas ce que ça pouvait représenter pour lui et il ne le lui dirait pas de si tôt, même sous la torture.

« Mais t'a finis d'te foutre de ma tronche oui ?! » Faussement outré, Théo lâche même un rire avant de secouer sa tête et lever son verre pour trinquer. Tant pi pour sa tronche en biais. « Son sac s'rait trop p'tit. Et elle est moche com' un pou. » Chacun ses goûts parait-il. Théo n'aime pas les femmes. Physiquement il n'aime pas les femmes. Aucune d'elle ne trouvait grâce à ses yeux, pas même sa défunte mère ou sa grande sœur: elles étaient moches.

« Arak ? » Après l'interpellation Théo s'arrête. Sans suite, il le regarde peut-être comme il l'avait jamais fait quelques secondes. Il le regarde vraiment, pour ce qu'il est : son ami. « J'te r'vaudrais ça pour mon frère. Si t'as b'soin d'n'importe quoi... Hésite pas. » Puis il détourne les yeux, bois un coup, et secoue sa main droite dans le vide. « J'suis pas homme à tout faire pour rien après tout. » Fallait bien banaliser la vérité, la remettre dans un trait de désinvolture et non celui d'un homme sincère. Son corps ne ment pas lui et ce début de sourire qui relève discrètement sa pommette, ce coin de lèvre qui trésaille, il est bien là.

On lui avait sans doute demander pire oui. Clairement c'est sûr mais... Théo ne demande pas de service. De l'aide encore alors qu'il est dans la merde oui, mais pas un service. Là il se sent redevable. Un sentiment qu'il déteste et qui lui fait encore plus apprécier cet homme qu'il jalouse pour exercer ce métier dont il s'est privé tout seul. A bien y réfléchir, Théo déteste autant Arak qu'il l'apprécie. A son sens, c'est ce qui en fait un ami.

« Dimitri et ouai il est barman. »
Oh il a bien entendu les mots de son pote. Bien sûr que ça serait une solution mais il n'a pas le courage. « C'est compliqué. » Sa main gauche se lève et il se frotte la nuque en l'étirant légèrement. « La famille c'est toujours la merde t'façon. » Mais son frère est bien plus simple que ça et il le sait. C'est lui qui en fait une montagne et qui ne se sent pas digne. « J'peux pas. » Il s'explique, soulève son propre problème dont il ne peut clairement pas parler.

Une profonde inspiration et Théo s'enfonce dans son siège en fermant les yeux l'air grave. « J'veux pas l'décevoir. Si on s'revoit, c'est c'qui s'pass'ra. » Ca passerait comme raison non ? Finalement l'homme de main attrape son portable, semble chercher un truc et le tend à Arak. « Il ressemble à ça. » La photo n'est pas toute récente et pour cause, c'est une où ils sont tous deux bras dessus bras dessous avec Dimitri chez ce dernier. « J'te paierais tes conso... t'aura qu'à m'dire. » Le prix n'était pas un soucis, même s'il n'était pas millionnaire, même s'il devait trimer pour gagner sa vie, son boulot d'homme à tout faire lui permettait de faire beaucoup de black et son métier officieux encore plus.

Une toux forcée. « Fin, c'est accessoire. On est pas là pour ça non ? Tes conquêtes c'en est où ? » Un regard espiègle qui balaye la torture sous sa caboche. Il a horreur de se prendre la tête et l'histoire avec son frère lui prend la tête. Passer par un tiers de confiance avait été sa solution simple.
Théo se sentait même prêt à parler de son histoire avec sa ''femme'' un peu plus en détails si Arak le lui demandait.

« Nan sans façon. J’aime pas l’amour dégoulinant c’bon ! » Plaisante-t-il de bon ton. C’était surtout un moyen d’éviter de laisser son pote savoir qu’il le jalousait profondément et que ça avait été la base de leur relation : la jalousie maladive de Théo sur le métier de ses rêves qu’il ne toucherait jamais. Mais, l’autre gars était cool et au-delà de sa jalousie, il pouvait vivre son rêve par procuration grâce à lui.

« Oooh ? » Visiblement curieux de cette petite révélation quant à l’homme qui aurait potentiellement tapé dans l’œil de son ami, l’homme à tout faire vient frotter distraitement son œil. Ca lui fait un peu mal, parfois. Mais il s’en fou. Tout comme des regards curieux qui sont tournés vers lui, souvent. « L’fils du patron d’ton daron. Rien qu’ça… he beh. » Il ne peut s’empêcher de souffler, amusé qu’il est. « Il est mignon comment ? Ca s’trouve j’le trouverais moche. » C’était sa façon de dire que jamais il n’irait mettre son grain de sel entre eux. Quant à lui. « J’cherche pas à m’caser. Les sentiments c’est chiant. » Une faiblesse qu’il ne connaît que trop et qu’il veut éviter. Mais il sait aussi qu’il ne commande pas à son cœur et quitte à être dans la confidence : « Mais… j’aime bien l’tatoueur. » Il ne serait pas allé le voir autant de fois sans ça. Il l’avait trouvé mignon. Un beau blond. Et puis il avait aimé regarder ses mains œuvrer, aimé l’entendre parler à ses clients, aimé pouvoir rester pour observer.
« Et sinon… je me contente jamais d’mes mains ! J’préfère aller voir un gigolo. » ou avoir la chance de tomber sur un type comme lui qui ne cherche rien d’autre qu’un peu de plaisir. « Au moins eux ne sont pas susceptibles quant à mon caractère. » Il secoue sa tête lentement et lève son verre qu’il boit cul sec avant de poser les glaçons tout comme son verre sur la table. « J’paye la deuxième tournée. » Oh Théo méfiance. L’alcool te fais dire tout ce que ton coeur a envie.