Haters gonna hate so shake it off! | Ft. Howl

Quel temps de merde. Vous avez quitté le soleil et le beau temps de Miami ou le thermomètre atteignait les vingt-sept degrés pour atterrir à Boston où il fait 12 degrés. T’as pas trop le temps de déprimer, il faut que tu te dépêches de rentrer, t’as promis à tes parents que tu les accompagneras à leur soirée. Y’a de la bonne bouffe et de l’alcool, et ça leur fait plaisir alors tu te force un peu. C’est la moindre des choses. T’envoie un message à tes aînés pour savoir s’ils viennent mais les deux te répondes à la négative, l’une est occupée, et l’autre n’a simplement pas envie, ça ne t’étonnes pas d’Ayan. Tu te dépêches de rentrer pour te doucher, et te changer pour un costume noir, et tu repars aussitôt. Tu rejoins tes parents et vous vous rendez à la soirée organisée par le patron de ton père. Tu commences à y être habitué, c’est loin d’être la première que tu fais, la plupart des visages ici te sont familiers. Tu discutes avec certains, les conversations ne sont pas particulièrement intéressantes, mais tes papilles sont satisfaites des petits fours. C’est déjà ça. Après un moment, tu vois ton père qui te fait signe de le rejoindre. C’est reparti pour un tour. Il parle de toi à Monsieur Holloway, il fait tes louanges, comme d'habitude, tu n’en mérites pas tant, et pourtant, tu vois dans ses yeux qu’il pense chacun des mots qu’il dit. Howl est là aussi, aux côtés de son père. Leur relation n’a rien à voir avec celle que tu entretiens avec tes parents, tu le plains un peu. T’écoutes d’une oreille alors que tu te prends une coupe de champagne, mais tu entends Holloway sortir une énième remarque sur son fils et tu vois ce dernier s’éloigner, direction le balcon. Vous n’avez jamais été proches tous les deux, pourtant tu t’excuses auprès de tes parents et tu le suit, t’attrapes une deuxième coupe de champagne et le rejoins sur le balcon.

“Tiens… Y’a de l'alcool, autant en profiter.” Tu lui tends la coupe. “Et ça réchauffe… Vu qu’il caille.”

Pour se réchauffer, il ferait mieux d’aller demander un whiskey ou un rhum arrangé. Même pour Howl, ça ferait passer les remarques de son père plus vite. T’aimes pas beaucoup ces soirées, tout le monde joue sur les apparences, ils essaient de montrer qu’ils sont parfaits ou presque, des fois en rabaissant les autres. Ayan à raison de les éviter, mais tes parents aiment ce monde, sûrement parce que pour eux, c’est mieux que ce qu’ils ont connu gamins.

Ce n’était que rarement que je retournais chez mes parents, préférant être le plus loin de cette grande maison qui m’avait pourtant vu grandir. Les seules fois où j’y retournais étaient les grandes soirées que mes parents organisaient pour étaler leurs fortunes et leurs familles parfaites. Bien sûr, je pouvais ne pas y aller, mais sans vraiment savoir pourquoi, je ressentais une pointe de culpabilité quand je voyais le regard déçu de ma mère. La haine que j'éprouvais pour eux n’était pas assez forte devant son regard.
Ce soir, une soirée avait été organisée à la maison, mon père me soufflant avant le début des festivités un “peut-être que tu nous trouveras une jolie jeune femme”, ce à quoi j’avais tranquillement répondu “du moment qu’elle a une queue…”. Je m'étais officiellement mis mon père à dos pour le reste de la soirée. La preuve, pendant de longues heures - ou était-ce des minutes ? - mon père me disait à quel point je devais prendre exemple sur le jeune Sukchai, plus jeune que moi, mais bien plus admirable que ma pauvre personne. Ok, il était beau, certes, il avait un travail qui pourrait faire rêver… Mais j’étais moi, totalement gay et totalement incapable de lire plus d’une ligne de texte sans me perdre. Et je portais moins bien le costume de pingouin que le si parfait Arak Sukchai ! Et mes cheveux trop épais étaient impossibles à coiffer. On a le fils qu’on mérite après tout… J’arrivais à bout de ma patience, m’éclipsant, le cœur lourd et les yeux rivés vers le sol, vers le seul endroit où je pouvais être tranquille. Le balcon. Le froid me ferait peut-être du bien, un peu de silence aussi. Mais c’était sans compter sur l’enfant parfait qui venait vers moi, deux coupes de champagne à la main. Je ne pouvais pas le détester, il y était pour rien si mon père était un sombre connard. Je pris une des coupes de champagne et lui offrit un sourire aussi sincère que possible dans mon état… Autant dire qu’il était assez discret.

- Je tiens pas l’alcool…

Sur ces mots, je pris une longue gorgée. Il fallait au moins ça pour profiter un minimum de ma soirée.

- T’étais pas obligé, tu sais ? Je commence à être rodé.

C’était un affreux mensonge et la boule dans mon estomac était là pour me le rappeler. Chaque foutue soirée réduisait une partie de mon estime de moi-même, en cendre.

Tu ne comprendras jamais ces parents qui rabaissent leurs enfants parce que selon eux ils ne font pas ce qu’ils “devraient” faire. Le rôle d’un parent c’est de faire en sorte que ses enfants soient heureux non? Du moins, c’est ce que les tiens ont fait, ils auraient voulu te voir médecin ou avocat, mais quand ils ont vu que ce n’était pas ce que tu voulais faire, ils t’ont soutenus. Tu ne les remerciera jamais assez pour ça d’ailleurs. Tu suis Howl avec deux coupes de champagne.

“J’espère que c’est pas une flûte qui va te rendre ivre quand même.”

Entre pas tenir l’alcool et ne pas être capable de tolérer du champagne, y’a un monde quand même. Il n'était certes pas très grand, et un coup de vent l’emporterai probablement sans problème, pas étonnant si les effets de l’alcool l'affectent plus et plus vite, mais tout de même.

“Rodé ou pas, ça doit être épuisant de se prendre ce genre de remarques constamment. Du moment que t’es heureux, c’est tout ce qui devrait compter pour lui non?”

C’était pourtant pas compliqué comme concept, laisser les gens faire ce qu’ils veulent, ce qui les rend heureux, du moment qu’ils ne font de mal à personne, c’est pas compliqué. Du moins, pour toi ça ne semble pas l’être.

“Déjà que ces soirées sont pas très fun…j’comprend pas pourquoi tu viens encore. Même si j’admet que la bouffe est bonne et y a de l’alcool…”

Sur ces mots, tu finis ta coupe de champagne et tu t’appuies sur la rambarde. Toi au moins t’es parents ne te descendent pas quand tu les accompagnes, c’est d’ailleurs pour ça que tu continues à venir, pour leur faire plaisir, parce qu’ils le méritent, et tu les aimes.

“On peut dire c’qu’on veut, les mots ça reste blessants, surtout quand ils viennent de personnes de notre entourage.”

T’as certes une famille aimante, mais les insultes gratuites tu connais, t’y as pas échappé. Que ce soit à cause de tes origines, ou à cause de ton orientation sexuelle. Les mots blessent, même si on dit qu’ils nous passent au-dessus.

Une flûte ne me rendrait pas ivre, il y avait des limites. Mais au stade où j'en était, il m’en faudrait plus d’une, de flûte. Sa remarque sur mon rodage aux mots blessants de mon père me fit de nouveau tristement sourire. Ça avait été leur but avant de savoir que j’étais un idiot fini et une erreur de la nature.

- Les parents normaux, sans doute. Si j’étais dans la norme, peut-être que je n’aurais pas à subir ça.

Je haussais les épaules, c’était même sûr. Si j’avais été plus intelligent et plus hétéro, j’aurais été l’enfant parfait a leurs yeux. Même si j’assume complètement ma sexualité, je regrettais parfois de ne pas être ce que mes parents avaient toujours désiré.

- Je viens pour faire plaisir à ma mère. Et pour faire rager mon père. Je ne me souviens plus si tu étais là, à la dernière soirée… mais j’ai fait mon petit effet. Mon père m'a déshérité après ça.

C’était vrai, je ne figurais plus sur l’héritage de mon géniteur. En soit, ce n’était pas un drame, je n’avais pas besoin de lui pour vivre comme je le voulais. Il pouvait garder sa fortune, et même s'enterrer avec, je n'en avais clairement rien à faire. Je levais la tête pour observer un peu plus en détail mon compagnon de balcon. Plutôt pas mal, plus grand que moi -ce qui n’était clairement pas difficile- et un petit quelque chose qui devait faire tomber toutes les filles comme des mouches.

- Tu as raison. Ça ne sert à rien de mentir. Mais… il faut croire que je suis un peu masochiste. Heureusement que je ne vis plus ici…

J’étais beaucoup mieux chez moi, dans mon hangar, avec mon chat et mon univers théâtrale. Loin du luxe de la maison Holloway et de sa toxicité. Repenser a chez moi me redonna des couleurs et un peu de motivation pour affronter cette soirée. C’est avec un sourire beaucoup plus sincère que je continuai la conversation.

- Dis-moi, tu es si parfait que ça ? Il doit bien y avoir une petite part d'ombre dans ta perfection.

Assez parlé de moi, je voulais en savoir un peu plus sur lui. Je ne connaissais que ce que ses parents et les miens disait à son propos, mais je ne l’avais jamais entendu parler de lui, de lui-même.

Arak marquait un point sur ce coup. La normalité était quelque chose de vague, chacun avait la sienne. Pour moi, c’était les autres la normalité, ce que mes parents voulaient que je sois.

- C’est vrai qu’ils ont l’air bien tes parents. Mais je parle de la norme selon monsieur et madame Holloway. Comme toi par exemple. Beau, intelligent et qui réussi dans la vie.

Puis il me demande ce qu’il s’était passé à la dernière soirée. Du grand art selon moi, une honte totale selon mon père. L’alcool devait commencer à faire doucement effet, je me retrouvais à bavarder un peu plus que d’habitude.

- On va dire que mon père espère de moi une descendance qu’il n’aura jamais. Il avait passé la soirée à me présenter des femmes, me forçant à les courtiser. J’ai donc fini la soirée au bras d’un des serveurs et je l’ai embrassé devant absolument tout le monde. J’ai bien cru qu’il allait y passer tellement la grosse veine de son front avait enflé.

Rien que d’y repenser, je me mis à rire. J’étais peut-être allé trop loin ce soir-là, mais je ne supportais plus la situation. J’avais cette impression que plus le temps passait et plus je perdais patience avec lui. J’écoutais ensuite Arak me parler de ses parents, m'émerveillent devant autant d’amour. Il aimait ses parents et c’était réciproque. J’aurais pu être jaloux de lui, mais au contraire, j’en étais heureux.

- J’imagine que cette part tombe vient de ce que les autres attendent de soi. Par exemple, je n’arrive pas à lire correctement, encore moins à écrire sans faire un nombre de fautes catastrophiques. J’aime l’art aussi… ça fait partie de ma part d’ombre, j’imagine. Étant donné que même si tu étais gigolo, tes parents t'auraient soutenue, j’imagine qu’il n’y a pas vraiment de part d’ombre chez toi. Mais tout ça est bien trop philosophique pour ce soir.

Je vidais ma coupe quand tout un coup, je tiltais sur quelque chose qu’il avait dit dans sa phrase. Je le regardais, choqué par une telle révélation.

- Attend… Bob L'Éponge ?! Tu te les fais tatouer où ?

Bob L'Éponge… J’étais loin d’imaginer un type comme lui se faire un tatouage d’un dessin animé comme celui-ci. Et ça m’amusait beaucoup de le savoir.

Il y avait quelque chose que je trouvais admirable chez Arak, ce quelque chose qui faisait que tout semblait très naturel avec lui. Ça avait le don de faire partir la boule qui avait grossi aux creux de mon estomac.

- Dans tous les cas, je suis d’accord avec toi, trop jeune. À 27 ans, il y a encore le temps de voir les choses arriver.

Je ne cherchais pas le grand amour, je ne l’avais jamais vraiment cherché. J’avais eu quelques relations assez courtes, sans réellement me faire de film dessus. Alors fondé une famille, avec des enfants, un chien et la maison avec sa clôture blanche et la pelouse parfaitement taillé, non merci. Tout ce qui comptait pour le moment, c’était ma troupe. La famille que je m’étais choisie.

- Mh… Sur le principe, je le sais. Mes parents sont problématiques. Mais j’ai grandi avec l’idée que c’était moi le problème.

J’étais réaliste sur ce qui clochait chez moi. Mes parents étaient en tord, mais il y avait cette petite voix qui me criait que c’était moi le problème. Alors que ma conscience me disait que c’étaient eux. Mes pensées furent vites chassé par la photo du tatouage d’Arak. Je me mis à rire avec beaucoup de sincérité.

- Pitié, ne le fais jamais recouvrir ! Il est tellement parfait.

Je sentais des larmes me monter aux yeux, ayant l’image de Bob léchant le font de Carlos gravé sur les rétines. Il fallut quelques secondes de plus pour calmer mon rire, venant m’adosser au balcon, observant un peu plus ce garçon qui cachait bien son jeu.

- Je ne dirais rien, promis. Mais en échange, je veux qu’un jour, tu me racontes comment tu as fait ton compte.

Finalement, j’étais content de ne pas être seul sur ce balcon. Arak était de bonne compagnie et avait réussi à me faire rire et à me rendre plus bavard que je ne l’étais d’habitude. La conversation revint sur mes parents, me faisant lâcher un soupir sans pour autant perdre mon sourire.

- C’est sûr que s’ils savaient ça, tu aurais le droit au même traitement que moi.

Je me redressais, hochant la tête en positif. Nos verres étaient vides et je ne buvais d’alcool que rarement. Alors un autre verre ne me ferait pas de mal.

- Je veux bien. Ça te dérange si je t’accompagne ? Je vais prendre ma veste au passage, il fait frais dehors.

Il y avait quelque chose que je trouvais admirable chez Arak, ce quelque chose qui faisait que tout sIl y avait quelque chose de plaisant à entendre quelqu’un dire de mes parents qu’ils étaient cons. Il y avait bien mes amis de la troupe, ceux qui me connaissaient bien du moins, mais jamais quelqu’un du même milieu, partageant les mêmes soirées, ne me l’avais encore dit. Je me rendais compte que j’avais été un peu trop dur avec Arak avant qu’il vienne me voir ce soir. Lui non plus n’était si “parfais” comme mes parents voyaient la perfection et ça avait un côté assez comique.

- C’est un amoureux de l’art qui te le dit.

Je me demandais comment auraient réagi mes parents en me voyant revenir avec un tatouage, pire ! Un tatouage dans le même genre que le sien. Je ne serais sans doute plus là pour y penser. Et sûrement plus là pour avoir le droit d’entendre les histoires d’Arak sur ses conneries passé. Oui, il cachait bien son jeu.

- Je ne suis pas sûr qu’ils me prendraient au sérieux. Ils penseraient que je mens pour te faire du tort, par jalousie.

Je le suivais à l’intérieur, amuser par sa remarque sur les températures. Je haussais les épaules, ne connaissant pas vraiment les températures autres qu’ici.

- Quand repars-tu ?

Si j’avais bien compris, il était copilote. Il allait sans aucun doute repartir dans peu de temps. Je n’avais que très rarement pris l'avion, partant petit en vacances, mais depuis longtemps, mes parents partaient seuls. Je jetais un coup d’œil à mon père et celui d’Arak.

- Ils doivent parler boulot. Et mon père a ce truc qui fait qu’on l’écoute, même si c’est un sombre connard.

Une femme passait à côté de moi à ce moment-là, me regardant avec mépris. Je ne dis rien, me contentant de soupirer. Si un simple “connard” froissait les invités, c’est que je n’avais réellement pas ma place dans ce monde. Je me dirigeais d’un pas un peu plus rapide vers le bar et souris au serveur. En général, c’était de pauvre gars qui galéraient à nourrir leurs familles. Ils servaient des alcools qui valaient trois mois de leurs salaires à des gens qui buvait ça a longueur de temps.

- Deux whiskys, s'il vous plait.

- Vous avez votre ID ? J’ai pour consigne de ne pas servir les mineurs, je suis désolé.

Bingo ! Combos gagnant de la soirée qui aurait été une catastrophe si j’avais été seul. Je fouillais dans la poche de mon pantalon et en sortis ma carte d’identité. Sans doute géner en voyant que j’étais plus proche de la trentaine que de la vingtaine et certainement par mon nom de famille. Il servit deux verres.

Ça faisait longtemps que je n’avais pas autant ris lors d’une soirée de mes parents. Arak avec son tatouage et son idée de costume rose à cravate arc-en-ciel était juste hilarant. Finalement, la soirée était agréable… Jusqu’à ce que je me fasse recaler par le serveur et que je dus montrer ma carte d’identité. Arak me frotte la tête en me donnant un surnom totalement enfantin. Je sentis une vague de chaleur monter à mes joues et je ne sus pas si cela venait de la honte ou de la proximité entre nous.

- Mais…

Je poussais un soupir, hésitant à répondre sa question. Mais il m’avait bien montré son super tatouage Bob L’Éponge.

- Oui… tout le temps. Même pour entrer dans des bars à partir d’une certaine heure. On me prend pour une ado de 17 ans, en général.

Je devais lever la tête pour pouvoir regarder mon interlocuteur dans les yeux. En plus d’avoir un physique très jeune, je me retrouvais avec une taille un peu plus en dessous de la moyenne. Heureusement, je n’étais pas trop moche.
Il me questionna sur ce que je faisais dans la vie. Il me lançait sur un sujet que j’aimais un peu trop, je devais prendre sur moi pour éviter d’en parler pendant des heures.

- Je fais du baby-sitting pour arrondir les fins de mois. Mais, sinon, j’ai une troupe de théâtre avec une amie, depuis qu’on est au lycée. Nous ne sommes pas beaucoup, mais on arrive à faire quelques représentations.

Je pris le verre qui m’attendait sur le comptoir et en prit une gorgée, sentant le liquide bruler mon œsophage. Je grimaçais un peu, manquant l’habitude de boire des alcools aussi fort.

Si le but d’Arak était de me faire rougir jusqu’à ce qu’il soit impossible de faire une différence entre une tomate et ma personne, c’était totalement gagné. À croire que j’étais encore un ado fleur bleu qui rougit au moindre compliment ou à la moindre remarque plus ou moins dragueuse. Bon, j’avais les rougeurs faciles et le sang me montait vite aux joues, que je sois gêné ou énervé.

- C’est sûr que demander son numéro à un mineur, ce n'est pas super. Mais, même si tu n’es pas un barman, je suis sûr qu’il y a possibilité que je te le donne, si tu le veux.

Je limitais en prenant une gorgée de mon verre… et aussi pour calmer ces foutues rougeurs. La discussion changea pour le théâtre et le babysitting.

- Le Borealis Theater, on prépare quelque chose pour le festival des créateurs qui a lieu dans quelques mois. Mais si on fait quelque chose avant, je te préviendrai. Pour ce qui est des enfants, ça va. Je dois même avouer que je m’amuse bien à les garder, ça me permet de revenir un peu en enfance. Et puis, ce n’est pas tous les jours et je n’ai pas à me lever dans la nuit en cas de pleurs ou de pipi au lit.

Garder et avoir des enfants était assez différent à mon sens. Je pouvais arrêter à tout moment d’être baby-sitter, mais être parents, c'est jusqu’à la fin de nos jours, même si tout le monde ne devait pas avoir la même vision de la parentalité. Je jetais un rapide coup d’œil à mes parents, avant de revenir sur plus intéressant, Arak.

- Mon père voulait que je reprenne l’entreprise familiale. Mais bon… mon manque de talent certains pour ce genre de chose l’a vite fait déchanter. Mais je n’ai jamais pensé à percer dans quoi que ce soit, juste faire ma petite vie. Après, je sais un peu près chanter, je joue du piano et je joue plutôt bien, sans vouloir me venter. Peut-être que je deviendrai une petite star dans le futur.

Je ris franchement à cette idée. Impossible, même si je le voulais. Percer dans ce monde était hors de ma portée, il fallait être vraiment talentueux, ce que je n’étais pas plus que ça.

J’entrais mon numéro dans le téléphone d’Arak, me concentrant sur ma tâche, rigolant à la remarque sur les serviettes signées.

- Tu veux un selfie aussi, pendant qu’on y est ?

Il ne manquait pas d’humour, j’aimais ça. C’était presque dommage que notre rencontre ne se soit pas fait avant, durant les anciennes soirées. Ces dernières m’auraient paru bien moins ennuyeuses et stressantes. Je redonnais le téléphone à Arak avant que celui-ci s’approche un peu plus de moi, faisant louper à mon pauvre cœur de jeune adulte, un battement. Il me fallut toute ma concentration pour que mes yeux ne dérivent pas sur ses lèvres et pour ne pas bafouiller.

- Je… Je…

Trop tard, parler était un peu plus compliqué d’un coup et j’en métrais ma main à couper qu’il le faisait exprès. Au moins j’arrivais à garder mon regard dans le sien.

- Pour le piano et le chant, c’est uniquement en concert privé.

Et voilà que je courais dans son petit jeu, sans le moindre remord. Il y en avait des mecs qui m’avaient fait de l’effet, mais lui… C’était un autre niveau. J’espérais énormément ne pas être repassé couleur pivoine. Surtout que je pouvais sentir les regards sur nous, mon père allait faire une syncope s’il voyait ça. À cette idée, un sourire apparu sur mes lèvres et je fis en sorte de m’approcher un peu plus d’Arak.

- Mais je suis sûr qu’on peut s’arranger, maintenant que tu as mon numéro.

Était-ce évident qu’il me plaisait ? Oui, même un aveugle pourrait le voir à ce moment précis. En même temps, Arak était beau garçon et je ne devais pas être la seule personne a bafouiller en le voyant aussi proche.

Si le but d’Arak était de m'achever, il y arrivait avec une beaucoup de facilité. Son regard, ses lèvres proches des miennes, ses doigts attrapant mon menton. J’allais prendre feu, je devais sans doute ressembler à une écrevisse trop cuite. Mais franchement ? Je n'en avais clairement rien à faire. Au moment où il posa enfin ses lèvres sur les miennes, je me sentis me déconnecter du monde qui nous entourait. Quand il prit fin, j'eus du mal à revenir à la réalité… Jusqu’à ce que j’entende des bruits de pas énerver dans mon dos.

- Ne t’en mêle pas. Soufflais-je à Arak.

J’allais me prendre des remarques de mon père, je le savais. Pourtant, c’est une vive douleur qui je ressentis juste après un claquement qui résonna dans toute la pièce. Silence pesant… Les regards étaient tournés vers nous.

- Comment oses-tu faire ça sous mon toit ?

J’étais sous le choc, ce n’était pas la première fois qu’il me frappait de la sorte, mais jamais devant les autres. Avec ce geste, il venait de ruiner sa réputation. Je n’avais pas envie de rajouter quelque chose. Je passais à côté de lui, tournant le dos à mon père ainsi qu’à Arak. C’était la fin de la soirée pour moi.