There may have been a misunderstanding... And a dog | Ft. Toni

T’avais la tête dans le cul, t’étais rentré tôt dans la matiné et t’avais même pas atteint ton lit. Tu t’étais pris un verre de scotch et tu t’étais posé dans le canapé où surprenamment tu avais réussi à piquer un petit somme. Au réveil tu t’étais dit qu’il était temps que tu sorte ton chien, alors tu avais appelé la grosse boule de poil partout, mais monsieur ne répondait pas. Night était pourtant bien éduqué. Après un tour dans la maison et dans le jardin et toujours personne à l’horizon tu commences à t’inquiéter et tu vois que le portail était resté ouvert. Est-ce que c’était toi ou ta coloc qui avait laissé la porte ouverte?? Tu sors rapidement, avec tes fringues de la veille tout chiffonnés par ton passage sur le sofa, et pas trop loin tu vois une jeune fille accompagnée de Night.

“Hey!!! C’est mon chien!!”

Tu t’accroupies au sol en tapant sur tes genoux. “Night! Au pied!” Est-ce que vous avez déjà vu un rottweiler croisé chien des montagnes courir à pleine vitesse dessus? Ça peut-être impressionnant. 60 kilos lancés à pleine vitesse ça peut faire peur. En se dirigeant vers toi il ne fait pas vraiment attention et fait chavirer la jeune femme qui l’accompagnait. Qu’est-ce qu’elle foutait avec ton chien? Elle essayait de te le voler??? Ou est-ce qu’elle l’avait simplement retrouvé si monsieur avait décidé d’aller faire sa balade seul comme un grand? Tu étais d’un naturel méfiant, déformation professionnel. Et avec tout ce qui t’étais arrivé, c’était normal. Tu attrapes ton chien qui avait à peine réussi à s’arrêter à ton niveau pour lui faire quelques caresses et s’assurer au passage qu’il allait bien. C’était le plus important. Une fois fais tu te dirige vers la demoiselle.

“Z’allez bien? Vous faisiez quoi avec mon chien?”

Certes t’es pas très chaleureux, mais t’es agent spécial, pas barman.

Bah oui c’est vrai que tu laisses ton chien s’enfuir de façon quotidienne! Elle croit quoi? Que tu ne le surveilles pas? Que tu veux qu'il disparaisse lui aussi? Que tu te fiches de ce qui pourrait lui arriver, parce que quoi? Ce n’est qu’un chien? Il en avait sûrement eu un peu marre de t’attendre et avait profité du fait que le portillon était ouvert pour faire une petite balade, mais night n’était pas stupide, si on s’en prenait à lui, il se défendrait. Avec le recul, du coup, cette jeune femme ne devait pas lui vouloir de mal, mais pour ta défense, sur le moment t’avais un peu paniqué. Tu as besoin de ton chien. Il est là dernière chose qui te reste.

“Ouais, bah la personne moins sympas elle rigolera moins quand il lui aura bouffé le bras.”

Tu la regardes repartir et tu soupires un peu. T’as peut-être été un peu froid avec elle. Les relations humaines, ce n’est plus aussi simple pour toi. T’as pris l’habitude de jouer le méchant flic plutôt que le bon. Ces dernières années, t’as perdu beaucoup de choses. Notamment la capacité à voir le bon chez les autres et ne pas t’imaginer le pire au moindre truc qui arrive.

“J’ai p-t-être été un peu dur… Juste… Vous savez depuis quand il est dehors?”

Que tu demandes assez fort pour qu’elle puisse t’entendre. Tu ne savais pas si tu devais continuer sa promenade avec lui ou non. Si ça se trouve il venait tout juste de quitter la maison quand tu t’es réveillé. Et faire le tour de la maison avait dû le lasser, à force. Il faisait sa vie comme un grand, mais quand tu étais à la maison, il savait que t’étais supposé l’emmener promener et s’occuper de lui.

Est-ce qu’il fallait que tu l'emmènes en balade quand même ou Night s’était débrouillé seul? Tu ne savais pas depuis combien de temps il était dehors, soit il venait de sortir, soit il revenait tout juste. La jeune femme n’a pas plus d’information à t’apporter sur la question. Tu te passes une main sur le visage, bon, t’irait te changer et tu feras la promenade après. Pantalon et chemise froissé c’est pas le top pour juste balader ton chien. Si ça ne tenait qu'à toi, t'irait au taf en pyjama. M’enfin, vu le nombre de fois où tu t’endors sans te changer la limite entre habits de travail et pyjama est fine avec toi.

“Night… Selon ma fille c’est mieux que ‘le chien’”

Ouais, un gros chien noir qui s’appelle Night, c’était soit ça, soit shadow. Tu fais dans l’originalité. Soyons francs, si ta fille ne t'avait pas forcé à lui donner un vrai prénom, le chien ça aurait été très bien. En général quand tu l’appelle elle s’inquiète plus pour le chien que pour toi, ce que tu peux comprendre. Bon, tu l’appelle souvent mon gros ou mon toutou plus que Night. Sauf quand tu dois le rappeler parce que monsieur s’enfuit.

“Nate.”

Que tu rétorques accompagné d’un mouvement de tête comme pour dire “enchanté”. Même si ta tête voulait dire “j’suis blasé” pour changer. T’es pas le type le plus solaire qui soit, tu souris une fois tous les trente-six du mois et t’es sympas quand mars et saturne sont alignées et que la lune est en phase ascendante.

“Z’êtes nouvelle dans le coin? J’vous ai jamais vue.”

Et le fait est que tu connais les visages de tout le monde dans le coin, du moins, ceux qui étaient là il y a huit ans, t’as enquêté sur absolument tout le monde dans l’espoir de retrouver ton fils, et tu ne t’es pas fait que des potes en faisant ça.

“Les gens sont généralement plus sympas dans le coin.”

Juste pas toi. La fête des voisins, ça fait des années que tu ne l'as pas faite, et personne ne vient te demander de les dépanner pour du sel ou du sucre. De toute façon, soit t’es trop bourré pour répondre, soit t’es au taf, et si par malheur tu leur ouvre la porte les chances sont que tu n’as pas ce dont ils ont besoin.

T'as vu juste, la jeune femme que tu as agressée gratuitement de ton tempérament aussi solaire que celui d'un ours mal léché est bien nouvelle. Les nouvelles têtes tu les repères vite. T'en as pas l'air, mais t'as pris l'habitude de scanner la foule, tous les gens que tu croises, c'est devenu un réflexe maintenant, avec cette petite voix dans ta tête qui te dis que peut-être tu pourrais y voir le visage de ton fils, ou peut-être de celui qui te l'as pris. L'espoir fait vivre comme on dit, même si au fond, t'as pas vraiment l'impression d'être encore en vie.

« Vous avez pas choisi le meilleur endroit sur terre. »

T'es pas le meilleur comité d'accueil qui soit, tu détestes cette ville qui se prend pour ce qu'elle n'est pas. On est pas plus en sécurité ici qu'à Red Hawk, les crimes sont juste différents. Tu laisses tout de même entendre que la plupart des gens par ici reste plus sympas que toi. Mais aussi plus hypocrite, parce que la majorité ne pense qu'à leur cul et aux apparences. Chose qui clairement t'importe peu. Elle comprend le sous entendu et tu lâcher un très léger sourire. Disons que tu étires les lèvres .

« Exactement. Mais les gens sont aussi très faux dans le coin. »

T'es clairement pas un grand fan de tes voisins. T'en sais assez pour savoir que la plupart font attention à leurs apparences pour bien cacher d'autres vices, mais t'as autre chose à foutre que de t'occuper de ça. Chacun ses emmerdes. Elle te propose de boire une bière, elle sait te parler.

« Ouais... J'vais juste aller rentrer la bête. J'vais vous montrer un bar au coin d'la rue là bas, il paie pas de mine, mais les consommation sont moins chère que la moyenne locale et la musique y est... Plus agréable je dirais... »

T'es p't-être un vieux boomer, mais le rap plein d'insultes, c'est pas ton truc, un bon vieux rock, y a que ça de vrai. Tu te retourne et tu dis à ton chien de rentrer, tu le suis pour aller l'enfermer à l'intérieur, tu choppe tes papiers et tu ressors aussitôt pour rejoindre la brune. T'sais pas trop pourquoi t'as accepté, pt-être parce que tu culpabilise un peu de ton comportement alors qu'elle a juste voulu aider ton chien.

Ici, t’es bien loin du paradis, le fait est que cet endroit est même ton enfer personnel, avec le souvenir constant de ton fils qui te hante encore et encore. Tu hais cette ville, tu hais être coincé ici, mais tu ne peux pas partir, pour les même raisons qui font que la déteste. Partir, ce serait comme abandonner ton fils une fois de plus. Sans aller dans les détails tu préviens la jeune femme que l’endroit n’est pas aussi charmant qu’on le vend habituellement. Tu lui parles d’un bar non loin d’ici. Dire que tu vas boire un verre avec quelqu’un. Faudra que tu la raconte à quelqu’un celle là. Encore faudrait-il que tu aies des gens à qui raconter ça. Elle te questionne sur la musique.

“Du rock. Du vrai.”

Que tu réponds comme si c’était une évidence. Pour toi, c’était sous entendu dans ta phrase, parce que la musique d’aujourd’hui, elle te casse les oreilles. Mais elle est plus jeune que toi, peut-être qu'elle écoute les musique qui toi te donnent envie de te percer les tympans. T’es un vieux aigri, et la “musique de jeune” pour toi t’as juste l’impression que c’est des maternelles qui ont écrit les paroles…quoi que, des collégiens, vu le vocabulaire fleuri et particulièrement respectueux de chansons comme blurred lines et autre conneries du genre.

“Des fois j’ai pas le choix… Dans certains bar les playlists sont… comment dire… Pas faites pour moi. J’comprend même pas que certaines chansons aient le droit de passer à la radio. Entre les rappeurs obsédés sexuels et les bimbos en plastique… c’est pas de la musique.”

Tu ne comprendras jamais que ta fille écoute ça, mais t’es pas à ça prêt, t’es vieux, elle le sait, et elle écoute ce qu’elle veut, mais quand même! Vous arrivez au bar et tu acquiesces simplement quand elle demande si vous vous installez au comptoir. C’est généralement l’endroit que tu préfères… On y est servi plus vite. Tu hausse les épaules quand elle te demande si elle peut te poser des questions, tu t’en branle pas mal. Et tu lâches un rire quand elle parle de psychanalyse.

“De toute façon, j’vous conseillerais pas d’essayer de faire le tri dans ce qu’il se passe la dedans!”

Tu pointes le goulot de ta bouteille vers ta tête. C’est pas un voyage que qui que ce soit aurait envie d’entreprendre. Autant aller en zone de guerre. C’était moins le foutoire quand tu y étais.

“J’enverrai un psy chez un confrère si j’devais faire une psychanalyse.”

Il te faudrait quelqu’un avec le cœur bien accroché. Pas que tu en ai besoin de toute façon, ça ne changerait rien.