The sun is rising || James

"Non pas officielle, mais il y a un diner à coté du commissariat qui fait office de point de rendez-vous. Plats du jour pas chers pour les flics. Au casino il y a le restaurant mais c'est impayable. Avec mes horaires de nuit, je peux manger chez moi avant de partir et en revenant je me prends un p'tit déj quelque part. Faut vraiment que la nuit s'éternise pour que j'aille chercher du rab. Bon j'avoue ça arrive, mais le fast food fait généralement l'affaire dans ces cas là" Je ne cuisine que pour que Mike mange un peu plus sainement que du fast food tous les jours. Je ne suis pas certain que ce soit une grande réussite mais je ne peux pas compter sur Gloria. Elle est défoncée la plus part du temps et j'peux pas nourrir le gamin de space cake, fut-il au chocolat.

Je me suis aussi posé la question concernant Henry "J'sais pas, il est pas tout jeune Henry alors p'tre qu'il pense que c'est pas viril de faire des roulés à la cannelle ? Moins viril que de faire des cafés, ha ha, y a des trucs cons parfois"  

Je souris, rassuré de ne pas la saouler de bon matin. P'tre qu'elle faisait partie de ces gens qui peuvent porter un tee-shirt panda avec le slogan

Le sourire de Billie s'étira un peu plus. « Un diner et des donuts. Non, vraiment, vous m'avez convaincue, les séries policières sont hyper réalistes ! » Lança-t-elle dans un rire. Pourtant, elle ne regardait pas la télévision très souvent, et n'en possédait d'ailleurs pas chez elle. En revanche, les fois où elle s'était retrouvée hypnotisée par un écran, elle avait eu le temps de dévorer des heures et des heures de séries policières, médicales, de documentaires animaliers en tous genres... Et de publicité. « Mais si vous avez des adresses, en-dehors du coffee truck où l'on vient d'aller, pour le petit-déjeuner matinal, je suis preneuse. Je ne connais pas encore bien le quartier et je crois qu'on a plus ou moins les mêmes horaires vous et moi. »

Elle acquiesça d'un air entendu, parce que ce n'était pas idiot. « Vous avez raison, c'est sans doute ça ! » Ou bien il adorait sa femme et voulait qu'elle récolte les lauriers même de ce qu'elle ne faisait pas... Mais c'était moins probable aux yeux de Billie. Si elle était optimiste sur plein de choses, les relations amoureuses n'en faisaient pas partie. Après une longue hésitation, elle plissa le nez et demanda. « Est-ce que j'abuse de votre temps, si je vous accompagne pour la fin de votre promenade ? Comme je viens d'arrivée je me dis que vous me ferez peut-être découvrir quelque chose...? »

"totalement réaliste ! Surtout celles où les flics roulent en ferrari ou ont un appartement de 300m qui surplombe LA"

Je n'eut pas à réfléchir bien loin pour répondre à sa question. Hé bien, il y a le café italien de la petite place où il y a la brocante hebdomadaire le dimanche matin, vous voyez où ? Ils ont des pâtisseries à tomber. Mais bon, vous n'êtes pas bec sucré... Après ils ont un excellent café, ils le torréfient eux même. Ils ouvrent un petit plus tard que le coffee truck, vers 6h30 je crois. Malheureusement avant 6h du matin, il n'y a que le TACO BELL qui est ouvert. Si l'envie d'un burritos vous prend.

Je souris, heureux qu'elle poursuive la balade avec moi. je n'avais guère envie de rentrer. Mike ne partait pour les cours qu'à 8 heures et j'avais encore du temps devant moi avant qu'il ne se réveille. Ce môme n'était guère matinal. Gloria dormirait probablement jusque midi comme à son habitude et moi, mes heures de sommeil s'étaient drastiquement réduites depuis des années. "Ok, on va traverser le square et je vous montre la place avec le café italien. On finira par une boucle pour revenir par chez vous. Vous habitez où ?"

Billie voulut bien admettre, dans un petit rire. « C'est vrai, j'ai omis cette partie-là... Mais ce n'est pas toujours comme ça dans les séries, si ? Et puis, peut-être que vous avez une Ferrari cachée quelque part ? Ou un appartement de 300m² derrière le portail chien méchant ! » La chose lui semblait assez peu probable à Red Hawk, mais tout était possible.

Un large sourire naquît sur ses traits, face à l'acceptation de James. Elle était ravie d'avoir droit à un guide touristique, quand bien même il se trouvait accompagné d'un poney. « Je suis au 290, ce n'est pas très loin d'ici... » La brune se trouvait sur le chemin du retour, lorsqu'elle l'avait croisé. « Je ne suis pas sûre que les tacos à l'aube passent très bien, pour moi, mais le café italien en revanche, ça me dit bien. Vous y allez souvent aussi ? »

D'un ton pince sans rire je répondis "je ne rentrerais pas dans une Ferrari, impossible." Les voitures de sport étaient rarement taillées pour mon gabarit sauf peut-être les mustang. Dans tous les cas, je préfère mon vieux pick up orange, fiable et réparable facilement sans tout cet électronique moderne.

Après une nuit de travail, le matin n'est plus vraiment le matin, en tout cas c'est ce que je constate depuis que je travaille de nuit. Vous ne trouvez pas ?" La perception des choses s'en trouvaient chamboulées, les habitudes aussi et c'était exactement pourquoi j'avais accepté ce gros changement. Une rupture avec les souvenirs du passé.

Tout en marchant vers le square (vu sa taille on ne pouvait pas appeler ça un parc) j'expliquais
"Ah mais vous n'habitez pas loin du tout de chez moi en fait. Bon, c'est Red Hawk en même temps, ce n'est pas si grand que Boston. Je vais moins souvent à l'italien. Une fois par semaine, tous les quinze jours, qu'chose comme ça. "

Je désignais une rue latérale "si vous suivez par là y a un magasin de bricolage et une fleuriste. Et à l'opposé, par cette rue il a le pôle de quartier de la mairie de Red Hawk, pour vous situer... "

La réflexion arracha un rire sincère à la brune, parce qu'elle n'avait jamais pensé à ce genre de détails. Mais c'étaient précisément les choses auxquelles seuls pensaient ceux qui y étaient confrontés ! « Mince, c'est vrai, c'est presque handicapant d'être si grand ! Enfin... Sans vous offenser. » Se rattrapa-t-elle de justesse, en pinçant les lèvres. « Mais enfin... C'est vrai que vous êtes particulièrement grand, en plus d'être... Imposant. Vous devez être embêté même dans l'avion, non ? »

Billie acquiesça, un sourire sur les lèvres. « Si, je trouve aussi... De toute façon lorsqu'on travaille de nuit, tout est décalé, c'est comme... Comme si on ne vivait pas tout à fait dans le même monde que les autres ? » C'était comme évoluer dans un univers parallèle. Les rues étaient les mêmes, les magasins aussi, mais l'atmosphère était différente, et même les gens l'étaient.

Elle eut, au départ, un peu de mal à suivre le rythme de James. Il avait de très grandes jambes, et Romeo imposait lui aussi une allure plus soutenue. Heureusement pour Billie, son endurance n'était pas trop mauvaise, et elle pressa quelque peu le pas. « Je ne crois pas que vous me croiserez souvent au magasin de bricolage, mais c'est toujours bon à savoir.... Je ne passe pas souvent par ici, c'est drôle, les habitudes qu'on prend, quand même. »

Sa peur de me vexer me fit rire. Ma taille était une réalité. "Ouai, c'est parfois chiant mais je peux attraper les affaires en haut des placards de cuisine sans grimper sur un marche-pied, hé ! " J'étais habitué à ma taille, à baisser la tête à certains chambranle de porte, à louvoyer dans les couloirs et à ma tasser dans l'avion.

Les codes de la nuit étaient différents. Tout était épuré, il y avait moins de ronds de jambes si vous voulez mon avis . Malgré l'obscurité, tout était plus net, affuté. C'était...reposant - au moins en matière de codes sociaux. "ouai c'est exactement ça, un monde parallèle...C'est pas désagréable je dois dire. Quand je ne bosse pas, et que je repasse de jour, ça m'arrive d'être déboussolé."

Je hoche la tête "oui j'ai cru comprendre que le bricolage c'est pas votre truc. C'est étrange d'ailleurs, la chirurgie ça ressemble un peu à du bricolage non ? Ouai, j'ai beaucoup joué à Dr Maboul quand j'étais môme." On arrive au square dont j'emprunte les allées "Roméo, pas dans l'herbe..." J'explice pour Billie "la journée les dealers sont ici, y a un tas de saloperie dans l'herbe. Mais à cette heure ci c'est tranquille. C'est à peu près le seul espace vert du quartier, à part le terrain de sport"

Soulagée qu'il ne semble pas lui en vouloir, Billie esquissa un sourire en hochant la tête en signe de compréhension. « Oui, je suppose que ça a aussi des avantages... Mais je ne suis pas si petite qu'il me faille un marchepied dans ma propre cuisine ! Je suis pile à la bonne taille. » Du haut de son mètre soixante-huit, elle ne pouvait pas exactement être qualifiée de petite. Cependant, à côté de James, tout le monde devait paraître ridiculement minuscule.

« Ca ne me le fait pas trop, parce que mes horaires tournent tout le temps, je suis plus souvent de nuit mais ça m'arrive régulièrement d'être de jour aussi. C'est juste... Enfin je préfère être de nuit. » C'était déjà une habitude, à l'époque où David était encore là, parce que ça lui permettait de moins le croiser. Il travaillait la journée, elle partait de l'appartement avant qu'il ne rentre, et ne rentrait elle-même que lorsqu'il se levait. « C'est vrai, je dois bien admettre que nos outils peuvent se confondre, parfois, on a bien des scies, des perceuses... » Quand on pensait chirurgie, bien-sûr, on pensait scalpel, mais il n'y avait pas que ça ! « Mais je comprends mieux le corps humain qu'une notice Ikea. » Elle balaya du regard l'herbe autour d'eux en acquiesçant. « Donc j'évite ce coin la journée, compris. »

"Vraiment ? J'aurais dit que si, j'suis sur que vous atteignez pas le haut des placards, là où généralement, on met les choses inutiles. Mais rassurez vous, moi c'est le problème inverse, le plan de travail de la cuisine me casse les reins, vous voyez y a pas de taille parfaite !"

Je me mets à rire en précisant "enfin si vous pouviez éviter de me rafistoler à la scie sauteuse, ce serait cool. Bref, c'que je voulais dire, c'est n'hésitez pas à solliciter votre voisinage pour le bricolage si vous avez besoin, les gens du quartier ne sont pas tous des ours. Et dans le voisinage je m'inclus." Je confirme d'un geste "ouai évitez ce coin en journée, c'est mieux."

On finit notre tour tranquillement, et je lui montre encore deux trois choses, la laverie automatique, le distributeur de pain à toutes heures du jour et de la nuit. On passe même devant chez moi et mon portail délabré. Puis, je la raccompagne jusque dans sa rue, par acquis de conscience, avant de revenir sur mes pas. "Bonne nuit Doc' !"