Bal Trap - Ethan

Merde !
Merde, merde, merde !

Beeeeeeep beeeeeeeeeep. Il faut que je me rendre à l'évidence, j'ai beau m'exciter sur le klaxon, ces foutues bestioles ne bougeront pas d'in iota de la route qui me permet de rentrer chez moi à East Red Hawk après une longue nuit de taf. Je n'aspire qu'à une chose, rejoindre mon pieu et voilà un obstacle peu commun qui m'en empêche, un troupeau de Cabiaï.

Je mets le frein à main, tout en laissant le moteur du vieux pick-up tourner pour descendre et chasser ces foutus bêtes qui se prélassent sur le bitume déjà chaud malgré l'heure matinale, la journée va être infernale. Un pas vers eux, ils me regardent stoïquement. "Pchhhhht, dégagez les ragondins !" J'ai beau agiter les bras, pas un ne bouge. Je fais un bond sauvage vers l'un des capybaras. Il s'éloigne. OUAI ! Je me tourne vers un autre pour le chasser à son tour, petit bond. Je me retourne, le premier est revenu à sa place. Je gronde, la mauvaise humeur née de la fatigue montant Ils se foutent de ma gueule !!!

Ok ça va pas se passer comme ça. T'es un Cassidy ou pas, Jim ? Je me dirige vers l'arrière du Pick-up, rabat la bâche pour ouvrir la longue caisse de métal kaki. Dedans, un vieux fusil de chasse. Je fouille pour dénicher une poignée de cartouche sans voir un autre habitant arriver derrière le Pick-up; coincé lui aussi et par mon véhicule, et par les gros rongeurs. Je vais pas me laisser emmerder par des castors . Si seulement Romeo était avec moi, le chien s'en serait donné à cœur joie. Je charge mon fusil.

"Unité 2. Invasion de... de ragondins. Ils sont partout sur la nationale. Demande d'assistance."

J'ai passé la nuit à la caserne, et elle a été plutôt calme. Mon poste se termine dans trois heures, et j'espérais que l'on ne découvre aucun problème quelconque pour que je puisse rentrer chez moi. J'ai pu dormir un peu, et c'est heureux, c'est tout ce que je demandais. Depuis six mois je tombe dans la narcolepsie on dirait, mais pas de celle qui provoque des repos bien réparateurs. Du coup quand j'entends la radio émettre ces phrases saugrenues, je regarde le commandant qui fait un peu la même gueule que moi. Des quoi? Il secoue lentement la tête et hausse les épaules, las. Ils viennent parfois. Y'a peu de guerre, en Amérique, mais celle là nous vient des canadiens, et franchement, c'est la plus dure qu'on aura à mener. Il se lève et, bon élève, je lui emboîte le pas. On y va vraiment ? Phil me regarde encore, désabusé. T'as signé pour aider la population, Ethan. Et s'il faut défendre le monde des incisives, tu feras barrière de ton corps. Je peux pas m'empêcher de rire. Putain, c'est n'importe quoi...

Quand on arrive sur les lieux, il y a déjà des gens en pleine galère. Ca klaxonne, ça gueule, ça menace de descendre. Et puis il y a un gars qui a un fusil. Il a du complètement craquer et faire comme Phil: considérer que la guerre a déjà bel et bien commencé... Du haut du camion je peux voir la procession. A l'aquarium de Boston une fois j'ai vu des otaries. Ca a l'air paresseux ces bêtes là, mais rien en comparaison des mammifères sur la route. Je descends du camion pour héler le type avec le fusil, faudrait pas commencer à créer une émeute, et quand je m'approche du pick-up, je le reconnais. James ! Attends avant de tirer ! Je pense qu'il serait préférable d'utiliser les canons à eau si on doit en arriver là...

C'est à mon prénom que je sors de mes exhortations intérieures à faire un carnage. Dans les faits, j'ai beau dire que je vais chasser parfois, je ne tire jamais sur les animaux. Je n'aime pas ça. Ce qui me plait c'est de me promener dans la nature, observer et me dire que oui, j'aurais pu avoir tel animal qui s'est pris dans ma ligne de mire, ne pas revenir bredouille, ça me suffit. Je pourrais prendre un appareil photo plutôt qu'un fusil mais ce n'est pas ainsi que mon père m'a élevé. Dans la famille, on est chasseur de père en fils. Dans la famille, on est braconnier de père en fils...

Je tourne la tête derrière moi, mes mains se desserrant de la crosse, le canon pointé vers le bas, par sécurité. Derrière moi, les pompiers et Ethan avec son uniforme de sauveur. La situation incongrue m'arrache un sourire et aussi un soupir de soulagement. "Ethan ! Je pensais leur filer un coup de semonce, ils veulent pas dégager de là ces crétins. J'ai beau Klaxonner ou les chasser, ils s'en branlent. J'ai jamais vu des bêtes avec si peu d'instinct de survie !" Je hausse les épaules avant d'aviser les gros rongeurs qui ont l'air bien plus détendus que moi. "Si seulement j'avais eu le chien avec moi. Tu as une idée pour les faire bouger de la route ?"

J'admets que si j'avais été dans la situation de James, j'aurais probablement eu la même idée. Sauf que j'ai pas de fusil à l'arrière de ma caisse, et que je me serai plus énervé sur les gens qui klaxonnent que sur ces pathétiques bestioles. Aucun instinct d'survie tu l'as dit... Ils ont eu de la chance que tu te sois arrêté, mais vu la taille de ces trucs, c'est ta bagnole qu'aurait pris cher. Pour le saluer, je lui plaque une main amicale sur l'épaule, et j'avise brièvement le commandant qui communique avec la centrale. Une idée, ouais... Mais ça plaira pas à mon chef. Je fais mine d'observer la scène, désabusé. Je regarde ensuite derrière moi et l'attroupement se condense au fur et à mesure. Une femme se plaint de pas pouvoir emmener ses mômes à l'école, les mômes en questions hurlent pour voir les animaux, un type veut faire comme James et sort son propre fusil, sauf que lui compte vraiment tirer je pense, et ça fait un boucan monstrueux. Un boucan qui ne suffit pas à faire ciller les énormes cochons d'inde. Phil est encore dans le camion avec Andrew et je me rends compte que personne n'a sécurisé la zone. Hé, dégagez la zone m'ssieurs dames, et vous, lâchez votre arme, ce s'ra pas utile. Ca n'va plus durer longtemps. Je ne devrais pas promettre ça à des gens impatients alors que je connais rien à ces animaux et que, si ça se trouve, ils comptent passer la nuit ici, mais c'est la meilleure chose que j'ai trouvé à dire. Je me penche un peu vers James pour causer plus bas. Le commandant voudra jamais utiliser le canon à eau, et puis on n'a pas de quoi puiser. Tu crois que ça bouffe quoi? Les collègues semblent pas aussi intéressés que la situation le nécessite, mais moi, j'ai jamais vu d'invasion de hamster de ma vie.

"Ouai, sur que mon vieux Pick-up n'aurait pas aimé..." une moue plisse mes lèvres à cette idée. Les bestioles ont l'air solides et surtout assez nombreuses pour défier le véhicule.

"Une idée ? Genre les pousser avec un tractopelle ?" Ma plaisanterie est à moitié faite en grinçant des dents parce que je suis énervé et fatigué mais le ton est largement adouci par la présence d'Ethan et son geste . Je l'apprécie, nous avons des valeurs communes qui nous réunissent au sein de Get Moving Foundation et il n'y a pas si longtemps j'étais flic alors qu'il est pompier.

C'est quand Ethan se retourne que le chaos nous frappe de plein de fouet moi et ma fatigue. Non, je ne peux pas massacrer des animaux, et encore moins devant des enfants. Pour montrer l'exemple, je range moi aussi mon fusil dans la caisse que je rabats ainsi que la bâche. Il nous faut donc trouver une solution. Quand le pompier me rejoint, je réfléchis à haute voix pour partager nos idées. "J'sais pas... des graines ? Le canon à eau c'est une super idée, y a pas des putains de bouche à eau sur la route? fais chier... Sinon ça doit être sensible aux ultrasons nan ? Comme les martes, t'sais dans les grosses bagnoles ils ont des systèmes pour pas qu'elles viennent bouffer les gaines de câbles qui sont fait avec de l'huile de poisson. Ça s'trouve c'est le tremblement de terrer qui les a délogé"