Fleurs et St Valentin. Ft. Ethel

« Choisis un travail que tu aimes, et tu n'auras pas à travailler un seul jour dans ta vie », c'est ce que disait Confucius. Ce dernier n'a jamais travaillé dans une boutique de fleurs un jour de St Valentin. J'adore mon travail, vraiment. Et souvent, je vais travailler, la fleur au fusil (vous avez vu le petit jeu de mots ?). Mais parfois, ce n'est pas facile tous les jours. Comme tous les boulots en fait. Confucius pouvait dire tout ce qu'il voulait, il y a des jours avec et des jours sans. Aujourd'hui est un jour mitigé. On a du monde... Trop de monde. Il y a même des gens qui font la queue jusqu'à l'extérieur de la boutique. La Saint Valentin, c'est toujours un moment clé quand on est fleuriste. Alors, on voit des gens, on discute vite fait et l'ambiance est sympathique... Mais la fatigue commence vite à s'accumuler. J'ai l'impression d'avoir les mains engourdies à force de faire encore et encore des bouquets. J'ai aussi l'impression d'avoir le nez rempli d'odeur de roses et cela me donne un peu mal à la tête.

Enfin la journée se termine et on baisse le rideau. Un peu plus tard que d'habitude, car on a attendu pour les derniers retardataires. Mais au moins, on ne s'est pas ennuyé une seule fois. Je m'étire de tout mon long, et me masse le bas du dos. "Pfiou ! Je ne suis pas mécontente d'avoir terminé ! Et toi ?" je demande, me tournant vers Ethel. Cette jeune femme est la fille de mon ancienne patronne, qui est décédée il y a peu de temps. Lorsqu'elle a repris le business de sa mère, j'ai également continué. Je connais Ethel depuis un moment et je n'avais pas le cœur à la laisser seule. "Tu sais que j'ai quelqu'un qui m'a demandé deux bouquets ? Un pour sa femme... Et un pour sa maitresse ! Mais quel toupet !" Je secoue la tête, montrant très bien que je n'accepte pas ce genre de comportement. Ayant été moi-même trompée, je me suis retenue de ne pas envoyer le bouquet de fleurs au visage de cet homme.

Tu ne t'es jamais sentie aussi bien que dans la boutique de fleurs, sans doute car dans tes souvenirs, le visage heureux de ta mère ne t'apparait que dans ce lieu. Même si elle n'avait pas les épaules et la santé mentale suffisante pour appréhender la vie, cette boutique c'était toute sa vie. C'est sans doute pour cette raison que tu n'as jamais vraiment réussi à lui en vouloir. En la voyant ici, si heureuse et si épanouie tu n'as jamais eu le coeur de te dire qu'elle vous avez abandonné délibérément. Entre deux bouquets, elle était une mère idéale. Vous avez rit entre ses murs, beaucoup plus que dans votre propre maison ça c'est certain. Plus les années passent et plus tu la comprends, toi aussi tu te sens bien entre les fleurs, a confectionner tes bouquets et à voir le visage des gens s'illuminer face à ces derniers. Un fleuriste, ce n'est qu'une touche de soleil dans l'existence, il n'y a que du beau chez un fleuriste.

Même un jour comme celui ci, où les gens se bousculent pour un simple bouquet de rose tu n'abandonnerai pas ton métier. Tu te sens heureuse, même si depuis ce matin tu cours partout et que tu te retiens de dire aux gens qu'il y a plus original qu'un bouquet de rose rouges pour déclarer sa passion. Le dernier bouquet emballé tu te donne enfin le droit de souffler alors que Rita tire le rideau. « -C’est toujours une grosse journée mais j’adore ça » tu rigoles en étirant tes doigts engourdis d’avoir emballés trop de fleurs en cette journée. « -J’en ai eut plein aujourd’hui. Ça me donne presque envie d’écrire un petit mot en plus sur la carte. » tu rigoles en pensant a ces doubles bouquets confectionnés. Ça arrive bien plus souvent qu’on ne le pense malheureusement. « -Il reste encore tout le rangement maintenant » tu souffles sans oser regarder le sol ou se mélange les emballages, le raphia et les morceaux de tiges que vous avez coupez. Le sol ressemble a un champ de mine plus qu’à un fleuriste. « -Mais avant de s’attaquer à ça que dirais-tu d’un soda ou d’une bière ? » Tu demandes en ouvrant le frigo de l’arrière boutique que tu avais remplis en sachant très bien la journée qui vous attendez. « -Pour célébrer notre réussite, qu’est ce que tu veux ? » Tu adresses un sourire à Rita en attrapant un soda pour toi même.

Après cette journée éreintante, j'aimerais bien pouvoir me reposer et surtout reposer mes pieds qui souffrent le martyre. Mais il reste encore un tas de choses à faire. Une journée ne s'arrête pas juste après la fermeture de la boutique. Mais avant tout cela, j'aime bien discuter un peu avec Ethel. J'aimerais bien avoir son avis sur cette journée. "C’est toujours une grosse journée mais j’adore ça" Je hoche la tête, montrant mon accord. "Au moins, on n'a pas le temps de s'ennuyer." Je n'ai même pas eu le temps de me poser une micro-seconde. J'en ai les jambes toutes raides.

Je raconte à Ethel, en riant, l'histoire des doubles bouquets. Cette dernière n'est pas étonnée, apparemment, elle en a fait plein aujourd'hui. "Vraiment ? Je dois encore vivre dans un monde de bisounours. Je pensais que c'était quelque chose de rare..." Je pousse un long soupir, qui fait bien comprendre le fond de ma pensée. Je n'ai plus envie de tomber amoureuse si on ne peut plus faire confiance aux hommes. Est-ce que la perle rare existe encore ?

Bien entendu, il reste encore du ménage à faire. Ce sont les petits détails dans ce métier que j'apprécie le moins. Mais bon, tout ne peut pas être parfait. "Je peux m'occuper du ménage si tu veux. Si tu veux rentrer chez toi" je propose avec un sourire. Certes, je n'aime pas ça, mais Ethel a déjà fait beaucoup, elle mérite du repos. Elle semble avoir la même idée que moi, car elle repousse un peu le ménage. Je rigole, disant "Oh bah, on ne se refuse rien !" Elle me propose une petite boisson. Je regarde le contenu du frigo, réfléchissant à mon choix. "Je vais peut-être prendre une limonade." Je me permets de me servir avant de me laisser tomber sur une chaise. J'ouvre ma boisson qui fait son pshiiiit classique avant d'en prendre une gorgée. "Pfiou ! Ça fait du bien !" J'entame un nouveau sujet. "Tu as une idée du chiffre d'affaires ?"