Dimitri - Une nouvelle ville pour une nouvelle vie

L'Enfant

Né à Whitebridge, comme sa sœur avant lui, comme son frère le sera après lui, il a été un enfant désiré, aimé, choyé. Une mère avocate, un père directeur d'une clinique vétérinaire, Dimitri aura prit la plupart des traits asiatiques de sa mère.
Petit, il est un garçon qui s'émerveille de tout ce qu'il trouve, du moment que c'est coloré. Insectes, animaux, peintures, dessins, photos, coutures, tissages... pour le plus grand plaisir de ses parents. Car un enfant curieux est un enfant intelligent... selon eux.
Il émet vite une passion pour la danse. On le laissera faire, parce que c'est un bon sport et une discipline stricte. Il aura montré de l'intérêt aussi pour la cuisine et les boissons. On lui aura payé des cours particuliers dès ses 12 ans.

C'est à sa 14ème année qu'il émettra l'envie de faire de sa passion pour les boissons un métier, au plus grand dam de ses parents qui le voyaient déjà faire de longues études, comme sa sœur, pour devenir un homme puissant. Et pourtant... ils cèdent et le laissent faire. Ils lui payent ses études, avec l'espoir qu'il se rendra compte que ce n'est pas un métier fait pour lui... fait pour eux.

Mais l'enfant qu'il est s’épanouit pleinement. Il a de bons résultats en cours, en pratique.

L'Amour

C'est sur sa dernière année d'étude qu'il la rencontra. Fleur-de-Lys, un prénom peu courant, ramené souvent à Fleur. Elle avait les cheveux blonds comme les blés, une peau de porcelaine, des lèvres rouges, juste ce qu'il faut, et des yeux vert, vifs.
Il l'a connu parce qu'ils travaillaient en binôme cette année là sur un projet. Ils sont restés en bon terme après leur obligation scolaire.
Il l'a aimé.
Comme un fou.
Comme on aime son premier amour.

Dimitri l'a invité chez lui, mettant en joie ses parents. Une belle demoiselle, de bonne famille, parfait pour faire des futurs petits enfants !
L'année fut aussi courte que longue. Au milieu de celle-ci la jeune fille fut portée absente pour raison de santé. Le Sino-polonais apprit alors qu'il lui était arrivé la même chose l'année précédente. Il contacta sa famille pour avoir des nouvelles et il tomba des nus.
Fleur vivait sa dernière année.

C'est là qu'il commença à changer.

Tous les soirs, après les cours, il allait la voir à l'hôpital, lui parlait de ses journées, lui présentait les cocktails qu'on leur enseignait sur des feuilles de dessin. Tout ce qui pouvait lui changer les idées. Si ses propres parents n'étaient pas très ravis, ceux de la jeune fille lui étaient reconnaissants.
Il l'a aimé, si fort.
Bien que la chambre ne soit pas grande, parfois, il lui offrait une petite danse, qu'il n'avait cessé de pratiquer pour le plaisir, avec une petite musique, pas trop forte, émise par son téléphone.
La voir sourire était tout ce qu'il désirait.

Elle changeait, plus maigre, plus pâle. Il redoublait d'effort pour lui laisser de merveilleux souvenirs et la laisser partir dans les meilleurs conditions possibles.

Ce soir là, dehors, il pleuvait, comme sur ses joues de jeune adulte, comme sur les joues des parents de Fleur-de-Lys.
Il fut là à l'enterrement.
Il fut là pour apporter son soutien à cette famille en deuil, gardant au fond de lui la douleur de la perte de celle qu'il a aimé, si fort, si intensément.

L'Artiste

Il aimait déjà la danse, il aimait déjà les arts, il aimait déjà énormément la musique et les chansons. Les concerts, les spectacles, le théâtre, le cinéma. Alors il dansait, allait à des concerts avec des amis, au cinéma, au théâtre avec ses parents quelques fois... Mais plus que tout il avait besoin d'évacuer sa tristesse. Cette perte lui laissait une épine dans le cœur, une plaie impossible à refermer. Alors il dansait, en secret, dans sa chambre. Il dansait, parfois, sur les toits, dans des rues, tard dans le studio de danse avec l'accord de son professeur.

Etudes terminées, il a prit un petit job dans un bar en bas de chez ses parents. Souriant, avenant, heureux. Un masque nécessaire pour ne pas sombrer.

Mais...

Il était en train de couler et personne ne le voyait.

« Bonjour ! Un macchiato s'il vous plait ! » Deux prunelles d'encre et un sourire radieux malgré des vêtements plutôt usés. Dimitri a vibré sous cette voix grave, comme il avait vibré sous la voix fluette de Fleur-de-Lys. Devant son immobilité, le client pencha très légèrement la tête sur le côté, amusé, s'installant sur le tabouret du bar, patient.

Un macchiato.
Ses doigts ne tremblèrent pas, et il s'appliqua, il s'appliqua comme il s'était appliqué en cours quand elle était là. « Dimitri arrête de rêver y'a des clients en terrasse ! » Beugla alors son patron qui fit lâcher un rire discret au client aux yeux charbon.
Ils ont flirté après son travail, plusieurs fois, plusieurs soirs. Marius de son prénom, fut un autre nom et une autre photo dans le portefeuille du petit barman, serveur de café pour l'heure. En parallèle il faisait des études, de nouvelles, pour s'approprier les cocktails les plus difficiles, pour ne jamais hésiter même avec le minimum d'accessoires disponible.

Il lui a donné un peu de bonheur, une bouée de sauvetage bienvenue dans son monde désordonné et noir. Une idée, folle aussi, de quitter cette ville qui lui a volé son premier amour germa lentement et sûrement à mesure qu'il côtoyait cet homme. Parce qu'il lui semblait plus vivant que lui, même s'il avait moins d'argent, même si la sécurité était moindre là bas.

Contre ses parents, contre sa sœur et même contre son petit frère, Dimitri alla y acheter un appartement, sommaire. Dans ses folles années d'études accompagnées de Fleur-de-Lys, il avait aussi passé son permis moto et ses parents avaient cédé pour lui en offrir une rouge écarlate.

Il se fit enfin de vrais amis. Ces personnes qui vous remontent le moral, celles-là même qui vous entraînent aussi dans des idées abracadabrantes. Et il était heureux. Bon sang qu'il se sentait vivant ! Il n'oubliait pas Fleur. Il n'oubliait pas Marius avec qui il avait cessé de flirter.
Avec eux, il goûta à un peu de drogue... il ne fit que tenter. Mais il s'avéra qu'il s'agissait aussi d'amis de son petit frère et lui, il vit qu'il y était accro... depuis longtemps même très certainement. C'était sans doute la raison de sa réserve à laisser son modèle, son grand frère, partir vivre dans la ville qui le détruisait.

Dimitri et son cadet eurent de longues discussions. Elles n'aboutirent jamais qu'à des disputes entre eux qu'apaisait l’aîné en dansant. Il aimait le regarder. Il aimait qu'il le regarde. Et lorsqu'il dansait, leurs amis le regardaient aussi. Être le centre de cette attention le faisait frémir. Il en voudrait plus, bien plus et en même temps... il souhaiterait aussi que ça reste son jardin secret.
Ses potes cherchèrent à danser un peu avec lui et c'est volontiers qu'il leur apprit quelques pas. Dans son petit quartier on entendit parler d'eux brièvement. Ils n'emmerdaient personne et permettaient à d'autres de se divertir gratuitement.

Ca dura. Ca permis à Dimitri de se sentir un peu plus vivant.


Le Petit Frère

Red Hawk.
Un soir.
Un week-end.
« T'es qu'un con ! » Avec un bruit de vaisselle brisée qui suréleva la tension entre les deux frères. Dimitri a les bras croisés sur son buste et observe Théo pester de tout son soûl. Le mobilier n'était pas un soucis, quand bien même il n'avait que peu de vaisselle. Quant aux voisins, il avait prévenu qu'il risquait d'y avoir du bruit chez lui car son petit frère avait des soucis et qu'il voulait l'aider. Les gens s'en fichaient, mais c'était un principe qu'il tenait à respecter. Il respectait les autres.

Quand Dimitri le voit souffler fortement, il s'approche un peu et d'un geste vif viens le plaquer contre le mur en lui relevant les bras dans son dos pour le maintenir dans cette position. « Je suis pas là pour te casser les noix, tu le sais. Tu es mon petit frère et je t'aime comme tel. Mais j'ai pas envie de te voir te détruire parce que tu ne sais pas où t'en es et que les parents te font au moins autant chier que moi. » Un grommellement de la part de Théo et l'aîné poursuit « Ecoute, ça va être dur, très dur, mais je te promet que je serais à tes côtés, pour le meilleur et pour le pire, uniquement si tu le fais sérieusement. » « Mais j'ai pas envie d'arrêter putain tu m'fais chier Dimi ! » Il gigota et se tira un petit cri de douleur sous la pression plus forte des mains de son frère sur ses bras. « Tu préfère crever comme un connard dépravé sur le bord d'un trottoir où tous les clodos du coin te pisseraient d'sus c'est ça !? » Il haussa le ton, bien déterminé à lui faire entendre raison. « J'ai pas envie de crever... » marmonna le plus jeune en baissant les yeux à défaut de pouvoir réellement bouger.
Un soupir de soulagement.
Dimitri relâcha tout doucement les bras de son frère qui resta un moment encore contre le mur, comme si cet accès de colère injustifié venait de lui faire passer son envie de drogue. « Tu veux en parler ? » Demanda alors l'aîné en s'installant sur son canapé et en tapotant la place à ses côtés. Les yeux rouges de Théo se tournèrent vers lui et la mine abattue il traîna les pieds jusqu'à venir se vautrer dans le canapé et poser sa tête sur les jambes de son grand frère. « J'ai pas envie. » Un simple signe de tête, et les doigts fins de Dimitri vinrent caresser les mèches blondes de son cadet.

Un silence que seul brisa leurs respirations jusqu'à quelques reniflements et des tâches humides sur les joues de Théo, sur son pantalon. « J'ai essayé une fois. Je me suis senti tellement ailleurs que ça m'a fait peur. J'avais l'impression de ne plus rien contrôler, et dieu que j'ai horreur de perdre le contrôle. Et même si je flottais sur un petit nuage, je me sentais mal. Comme si je pouvais dévoiler ma vie entière sans filtre au premier venu et tuer sans état d'âme. » Un hochement de tête négatif. « Je préfère la sensation de l'alcool, à petite dose. Juste de quoi chauffer les joues et désinhiber en douceur. » « J'aime bien la sensation que ça fait. Je me sens libre. Loin de tout ces faux semblants. J'suis pas fait pour sourire tout le temps. J'suis pas fait pour être heureux. » « On est tous fait pour avoir du bonheur, il suffit juste de trouver lequel. T'as pas une fille ou un gars qui te plaît et avec qui tu voudrais sortir ? Ca te tente pas ? » « Bah... non. Mais... enfin... tu sais je... » Devant l'hésitation de Théo, Dimitri se fit plus doux dans ses gestes dans ses cheveux, sans prononcer quoi que se soit pour ne pas le presser et le braquer. « J'ai... envie de voyager un peu... j'aimerais bien monter dans un bateau ou un avion... ou les deux ! » « Les études pour devenir pilote de ligne ne sont pas simples mais si tu es clean y'a pas de raison que tu n'y arrive pas. » « Tu... ! » il se redresse et plante ses yeux vert dans ceux sombre de son frère. « Tu crois vraiment que j'pourrais ? » « Pourquoi pas ? Regarde, les parents ne croyaient pas une seule seconde que je sois capable de réussir mais surtout de me satisfaire de mes études pour devenir barman. Il faut juste que ça soit réellement ce que tu veux et que tu lâches rien, peu importe les obstacles. Faudra aussi que t'apprennes à vivre en autonomie ou avec un ou des colocs. » « Pas de soucis ça ! Je suis souvent fourré chez les potos alors la vie en commu ça m'connait ! »
Son entrain réchauffe le cœur de l'aîné qui vient le gratifier d'une franche accolade avant de téléphoner à leurs parents pour leur expliquer qu'il gardait Théo avec lui quelques temps.

Les envies furent nombreuses de la part du plus jeune. Arrêter la drogue, loin des yeux de leur famille trop parfaite, ce n'était pas quelque chose de simple. Et même s'il y eu des coups, d'autres échanges verbaux plus que violents, jamais Dimitri ne le laissa replonger.
Et pour la première fois depuis sa naissance, Théo eu vraiment l'impression d'avoir un grand frère auprès de lui. Peu après qu'il se sente capable de ne plus être tenté par la drogue, ou encore l'alcool, il alla faire toutes les démarches pour devenir pilote de ligne dans le privé.
Vue qu'il s'agit d'un métier honorable, il eu, bien plus qu'à l'époque Dimitri pour ses études, tout le soutien de leurs parents.


L'Être Humain

Red Hawk.
Ca faisait un an qu'il y était. Un an qu'il connaissait ses potes et qu'il tentait de faire sortir son petit frère de son addiction. C'était un long combat qu'il se savait devoir mener loin du regard de leurs parents et de leur grande sœur. Il ne fallait pas détruire leur monde si parfait et écoeurant de sourires et rires factices après tout.

Il lui arriva de faire des courses de motos... pas forcément très légales, sur les routes, la nuit. Griller un feu rouge. Entendre les pneus crisser sur le bitume lors d'un dérapage pour éviter une voiture. Sentir le vent s'engouffrer dans ses vêtements et le repousser de toutes ses forces... Ha, et finir sur une petite bière bien méritée. Avec sa danse et les soirées cinéma qu'ils se faisaient, le jeune adulte était heureux. Il ne gagnait pas des cents et des milles. Il ne vivait pas dans un cocon de confort. Mais il vivait. Une pensée pour Fleur-de-Lys et Marius alors qu'il chercha de nouveau un job qui lui plairait un peu plus. Il avait besoin de musique. Il avait besoin d'équité. Il avait envie de pouvoir être en partit sous le feu des projecteurs. Qu'on le voit, ou qu'il soit indispensable.

Il chercha parmi les boites de nuits. Des CV déposés de ci et de là. Parfois il avait des entretiens. Parfois seulement, et lorsqu'il se rendait compte du traitement subit par les employés, il refusait poliment de venir en prétextant avoir trouvé plus intéressant ailleurs.

Ca dura.

Ca dura jusqu'à ce qu'il fouine un peu plus et dégota un nom : Liquido. Sans appréhension, comme à chaque fois qu'il allait tenter sa chance pour un job, il déposa ses papiers en attendant patiemment sa chance.

Est-ce qu'enfin la page allait se tourner pour lui ?
Il y croyait, le petit barman et lorsqu'il fut rappeler pour un entretien, un sourire étira ses lèvres.

Passant un costume sobre mais tout de même élégant, le barman s'y présenta, bien à l'heure. Il y décrivit son parcours sobrement, uniquement professionnel, et son envie de servir au mieux ses futurs clients. Les horaires et les jours de travail lui importait peu, il était célibataire. Malléable sur le temps de travail, son envie mais sans doute pas que, lui permit de commencer à l'essai. Il avait 25 ans.


Les Cicatrices

Depuis sa mort, tous les ans, avec le plus grand des respects, il fêtait l'anniversaire de Fleur-de-Lys, seul, dans son appartement ou dans un petit local. Les meubles étaient écartés, le petit autel sous la fenêtre devant lui, et une chanson qu'elle aimait particulièrement en fond Happy – Pharrell Williams. Il passait toujours l'un de ses plus beaux ensemble pour l'occasion et préparait une chorégraphie.
Pour elle.
Rien que pour elle.
Pour son amour de toujours.
Il dansait du début jusqu'à la fin de la chanson, priait de tout son cœur pour son bonheur. Il refaisait la même chose à son anniversaire de mort, cette fois en lui racontant sa vie, ses aléas. Comme s'il pouvait toujours être auprès d'elle d'une manière ou d'une autre.

Une cicatrice indélébile dans son cœur, son premier pas dans la vie, dans SA vie. Et s'il regrettait amèrement son départ, il la remerciait aussi du bout de chemin parcouru à ses côtés. Pour rien au monde il ne voudrait effacer ces moments avec elle, même ceux à l'hôpital.

C'était son jardin secret, bien à lui. Ces choses qu'il n'a jamais partagé avec sa famille, ni avec personne d'autre d'ailleurs. Quelque chose qu'il faudra qu'on accepte de lui, ses silences, ses besoins. Et s'il ne pouvait pas le faire chez lui pour des raisons de présence, il allait dans sa salle de danse avec l'accord de son professeur, pour la nuit entière ou la journée... quitte à décaler d'un jour ou deux la commémoration pour des raisons de secrets, tout en s'excusant auprès de Fleur dans ces cas là en lui expliquant pourquoi cette année il était en retard.

Une nouvelle s'ajouta à son tableau.
Jamais il ne se serait imaginé ça possible.
Son père était inconsolable au téléphone. Son petit frère à l'étranger pour étudier... sa sœur avec sa famille... La police avait conclu à un accident. Elle n'était pas morte sur le coup, mais de la suite de ses blessures le temps d'aller à l'hôpital.
Il avait mal, pas pour lui, mais pour son père. Il avait toujours respecté malgré tout ses parents.

A partir de ce jour, ce 13 septembre 2020, ses anniversaires lui seraient amers.
Pour lui, il s'agissait d'un règlement de compte, car sa mère avait mis plus d'un malfrat sous les verrous et l'accident était un peu trop louche à son goût.
La vengeance brûlait ses veines.
Mais la vengeance n'engendre que la vengeance.
Il chercha qui aurait pu en vouloir à sa mère, occultant son décès de cette manière. Ses émotions, plus tard. Il avait une mission avant. Mettant entre parenthèse sa vie professionnel, vivant sur ses économies, il ne parla pas de sa quête à sa famille, sauf à Théo. Ils étaient devenus proches tous les deux depuis que Dimitri l'avait aidé à se sortir de son addiction, depuis qu'il l'avait poussé à voler et suivre son rêve.

Il mit une année complète avant d'avoir un début de piste. Il avait épluché tous les procès de sa mère, cherché après ceux qui aurait pu quitter la prison, cherché ceux qui étaient les plus en colère. Pas tout seul. Ses amis, les collègues de sa mère, la protégée de celle-ci aussi, l'aidèrent, du moment qu'ils ne franchissaient pas la limite du raisonnable.

Il finit par le trouver.

Il avait envie de lui fracasser la tête contre le mur, d'éparpiller son corps aux quatre coins du monde. Mais, devant la porte de sa maison, le rire et les bras de ces deux enfants l'en dissuada. Son couteau suisse dans la poche, sa main la quitta, vide, alors qu'il s'approchait, dénué de haine meurtrière mais blessé tout de même.

L'homme se tourna vers lui, ses enfants dans les bras et son épouse visiblement à ses côtés. « Dimitri Andrzej... vous auriez... un instant à m'accorder ? » Le visage de l'homme pâli quelques secondes et il invita sa famille à rentrer dans la maison pendant qu'ils s'installaient à la petite table de jardin. C'était l'hiver, mais qu'importait pour une discussion de ce genre. « Pourquoi l'avoir tué ? » « Je ne l'ai pas tué. Je voulais juste lui faire peur. L'accident c'était pas prévu. La rue devait être vide. Ce camion n'aurait jamais du être là à ce moment là. Elle aurait juste du faire un tête à queue dans le vide et se stopper net, pas... pas ça. » Dimitri ferma les yeux, croisa ses mains, les bras allongés sur la table. « Vous avez détruit une famille pour retrouver la vôtre. » « Elle m'a retiré le bonheur de voir grandir mes enfants ! Mais je ne voulais pas la tuer. Je suis pas un meurtrier. Ecoutez... je comprends que vous m'en vouliez, mais laissez ma famille en dehors de ça. » Le fils de l'avocate soupira et se leva, un sourire triste étirant son visage.
S'en suivit une discussion plutôt longue sur tout ce qui s'était réellement passé, pourquoi sa mère l'avait condamné, pourquoi il lui en voulait autant et surtout, pourquoi il avait voulu lui faire peur. Finalement, le fils Andrzej abdiqua. « Je ne vous ai pas trouvé... je ne suis pas là pour détruire votre famille... et ça ne ramènera pas ma mère de vous faire retourner sous les verrous. Changez de vie... si... j'entends parler de vous d'une manière ou d'une autre pour une infraction si minime soit-elle... je vous détruirais, vous et votre famille. Leur avenir ne tiens qu'à vous. » Il bluffait. Il n'avait aucun moyen de faire tout ça. Il n'était qu'un jeune homme sans moyens. Mais, le regard de l'homme sur lui lui sembla honnête. « Je vous promet de bosser dur pour qu'ils soient honnêtes et heureux ! Merci infiniment ! » de le laisser libre, de ne pas le dénoncer, de laisser le verdict de la police comme il était : un accident.

Dimitri commença son deuil, apporta son soutien à son père qui le renia aussitôt. Après tout, depuis qu'il avait eu en tête de ne pas faire comme eux l'avaient prévu, tout était allé de travers :
La mort de cette jeune fille,
son déménagement à Red Hawk,
le départ de Théo pour l'étranger pour ses cours,
et maintenant la mort de leur mère.

Dimitri ne chercha pas à se débattre. Il accepta.

Dans ses péripéties, jamais sa vie et ses problèmes ne transparurent sur son travail. Toujours ponctuel, toujours aux petits soins pour leurs clients. Pourtant, l'éclat de ses yeux avaient changé cette année là. Mais Dimitri n'était pas un homme à se confier, même quand on l'y invitait plusieurs fois.

Il en aurait toutefois bien besoin.
Parler de ses douleurs n'est pas reculer, au contraire. Il l'avait constaté avec Théo.

Il n'était juste pas prêt.


Et Maintenant

Maintenant il a 27 ans et il travaille toujours au Liquido. Jamais un retard. Jamais un manqué, même si parfois il avait un petit rhume. Parce qu'il veut être quelqu'un sur qui on peut compter. Parce qu'il a besoin que son chef et son patron le regardent d'un bon œil pour ne pas sombrer de nouveau.

Parfois, quand il regarde les danseurs, il a une petite lueur d'envie qui se laisse percevoir dans son regard. Lui, motard, danseur, barman, aimerait parfois troquer sa casquette contre celle de danseur. Mais il ne l'avait fait qu'en loisir et il doutait pouvoir tenir toute une soirée comme eux, même s'il n'avait pas à rougir de sa forme physique.

La solitude commençait de nouveau à peser sur son cœur. Il savait qu'il n'était pas homme à pouvoir rester seul, aussi, lorsque des couples venaient passer une soirée dans la boîte et consommer quelques boissons, il souriait tendrement en les voyant. Un jour lui aussi trouverait une personne avec qui construire son avenir... pourvus qu'il ne soit juste pas forcé à revenir vivre à Whitebridge.